Réinventer le dialogue social sous l’angle environnemental 

19/01/2022 - 6 min. de lecture

Réinventer le dialogue social sous l’angle environnemental  - Cercle K2

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Kamel Adrouche est Responsable juridique au sein de la RATP et René Picon-Dupré ancien DRH, Consultant RH et management.

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Réinventer le dialogue social sous l’angle environnemental 

 

La santé et l’environnement sont des préoccupations majeures de la société civile. Les catastrophes environnementales (type SEVESO ou encore AZF) ne sont plus des évènements nécessaires à la sensibilisation de l’opinion publique. La tentation d’un cloisonnement au cas particulier des établissements à risques n’est plus envisageable. La Convention Citoyenne pour le Climat, composée de 150 personnes tirées au sort afin de s’informer, débattre et préparer des propositions sur l’ensemble des questions relatives aux moyens de lutter contre le changement climatique, témoigne de ce nouvel universalisme. L’objectif était de définir des mesures permettant d’atteindre « une baisse d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 (par rapport à 1990), dans un esprit de justice sociale ». Même si on peut regretter qu’une partie infime des propositions aient été intégralement reprises par le gouvernement (à peine 10%)[1], elle confirme une prise de conscience collective. Chacun peut, à son niveau, s’emparer des sujets environnementaux et faire avancer la transition écologique. Les enjeux climatiques et de transition écologique ne peuvent plus être ignorés par les parties prenantes. Les tentatives de « verdissement » artificiel de l’image de certaines entreprises (« greenwashing » du type détournement d’attention, manque de transparence, mensonge par omission, etc.) font l’objet de campagnes de dénonciation par des collectifs efficaces qui recueillent l’adhésion de ces différentes composantes.

Les préoccupations sociales et environnementales se sont rapprochées. La question du travail est désormais située « au cœur du droit de l’environnement »[2]. La récente étude CSA, intitulée « Les salariés et la transition écologique dans les entreprises » réalisée pour l’Agence de la transition écologique (ADEME) et Linkedin[3], illustre une vision partagée au sein de l’entreprise : « l’environnement est la deuxième préoccupation principale des salariés et même première pour les jeunes salariés de moins de 35 ans » ; « 71 % affirment agir personnellement en faveur de la transition écologique au sein de leur entreprise » ou encore « 68 % des salariés veulent être formés aux enjeux de la transition écologique dans leur entreprise ». La norme législative constitue la principale « arme » utilisée par la France « pour manifester son attachement à la cause écologique ».[4] Parmi les plus significatives, peuvent être citées la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises dite « loi PACTE » ou encore la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets dite « loi CLIMAT ». Dans ce cadre, les entreprises qui participent à la dégradation de l’environnement souhaitent lutter contre les nuisances afin d’améliorer le monde qui nous entoure et protéger la santé de tous. Certains évoquent une « conscientisation » croissante des acteurs de l’entreprise[5]. Les relations de l’employeur avec des institutions représentatives du personnel, dont la matrice originelle concerne des sujets sociaux et économiques, doivent intégrer cette thématique environnementale complexe. De nouveaux points d’équilibre doivent être recherchés, particulièrement avec leur CSE.

La montée en puissance du CSE sur la thématique environnementale. L’idée d’un CSE acteur incontournable de la question environnementale n’est pas nouvelle. Un représentant du personnel (au même titre que n’importe quel salarié) peut exercer un droit d’alerte environnemental dès lors qu’il estime que les produits ou procédés de fabrication de son entreprise font peser un risque grave sur la santé publique ou l’environnement. Le CSE dispose également de la faculté de participer à l’élaboration du plan de vigilance et à son suivi. Dans certaines entreprises, la saisine des sujets climatiques et environnementaux par certains CSE se concrétise même par la mise en place de commissions « environnement » et/ou « développement durable ». Dans cette configuration, l’environnement est intégré au dialogue social. Les représentants de la direction et les représentants du personnel participent de concert à l’élaboration de mesures opérationnelles, favorables à la diminution des émissions de gaz à effet de serre et à la montée en compétence de chacune des parties prenantes (achats responsables, lutte contre l’autosolisme, audit carbone sur les activités sociales et culturelles du CSE, sensibilisations dans le cadre d’évènements type petits déjeuners ou conférences, etc.). En parallèle, certaines centrales syndicales élaborent des « politiques de développement durable », des « chartes de développement » ou encore des guides du type « comment et pourquoi créer une commission environnement au sein du CSE ». 

 

La loi « CLIMAT » consacre et renforce les prérogatives du CSE

  • Le CSE est le lieu d’expression collective des salariés... « notamment au regard des conséquences environnementales de ces décisions » et aussi : « le comité est informé et consulté sur les conséquences environnementales des mesures mentionnées au II du présent article (…) ». De plus, « la mission de l’expert-comptable auquel le CSE peut recourir dans le cadre des trois grandes consultations récurrentes porte désormais sur des éléments d’ordre environnemental »[6].
  • La base de données économiques et sociales (BDES) change de nom et devient la « base de données économiques, sociales et environnementales » (BDESE). Elle doit désormais comporter des informations sur « les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise »[7].
  • L’employeur devra engager des négociations portant sur « la mise en place d’un dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences notamment pour répondre aux enjeux de la transition écologique »[8].
  • Les programmes de la formation économique des élus du CSE ainsi que du congé de formation économique, sociale et syndicale (rebaptisé « congé de formation, économique, social, environnementale et syndicale ») comporteront désormais les thèmes de la transition écologique et des conséquences environnementales de l’activité des entreprises,

 

… mais il y a encore du chemin à parcourir.

 

Il faudra veiller à ne pas en rester à des vœux pieux : certaines formulations des textes pourraient le laisser craindre (informer – consulter).

Les sujets sociaux ne doivent pas occulter les sujets environnementaux ; les représentants du personnel au sein du CSE tiennent certes historiquement leur légitimité de leur rôle en matière sociale, mais de plus en plus leurs préoccupations concernent toute la vie de l’entreprise. 

Par ailleurs, à l’instar de ce que l’on perçoit avec la RSE, on peut penser qu’une entreprise qui a une action positive dans ce domaine sera sans doute plus performante, plus attractive et cela aura impact positif sur le social et sur ses capacités à attirer et à conserver des talents, sans parler de l’intérêt que peuvent marquer les clients pour une telle entreprise.

 

C’est un sujet que les RH devront aborder :

  • La voie est ouverte par l’obligation de négocier sur une GPEC[9] permettant de répondre aux enjeux de la transition écologique.
  • Pourquoi d’ailleurs ne pas faire apparaître de tels critères dans les objectifs d’un management par objectif ?
  • Et pourquoi pas en faire aussi un critère des entretiens d’embauche au titre des soft skills ?
  • Il faudra aussi assurer la formation des managers, des employés et pas seulement des représentants du personnel ; c’est ainsi que toutes les composantes humaines de l’entreprise pourront relever efficacement ce nouveau challenge.
     

Mais c’est un sujet qui concerne l’ensemble des composantes de l’entreprise : ce n’est pas uniquement un sujet de manager, de DRH, de syndicat ou d’autre responsable au sein de l’entreprise mais c’est bien l’affaire de tous !

 

Et, pour le faire vivre, il ne faudra pas hésiter à être vigilant et innovant :

  • échanger sur les bonnes pratiques, au sein de l’entreprise, mais aussi sous l’égide notamment du MEDEF, de la CPME et dans les sites des syndicats ;
  • négocier des accords sur le sujet de l’environnement de l’entreprise, et pas seulement en matière de GPEC, ce qui sera la preuve que ces nouvelles orientations prennent corps ;
  • prendre en compte toutes les entreprises : il n’y a pas de CSE dans les entreprises de moins de 11 salariés, qui échappent donc juridiquement à ce dispositif ; or il n’y a aucune raison compte tenu du poids qu’elles représentent dans notre économie. Et la diffusion des bonnes pratiques est sans doute une piste pour qu’elles prennent conscience de l’importance de ce sujet et l’intègrent dans leur gestion.

 

Kamel Adrouche et René Picon-Dupré 

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[1] Enquête de « Reporterre, le quotidien de l’écologie », 31 mars 2021, https://reporterre.net/Convention-pour-le-climat-seules-10-des-propositions-ont-ete-reprises-par-le-gouvernement.
[2] L’environnement et la norme sociale française, Étude par Isabelle Desbarats, La Semaine Juridique Sociale n° 50, 14 décembre 2021, 1314.
[3] Étude réalisée sur Internet entre le 30 avril et le 10 mai 2021 auprès d’un échantillon représentatif de 1004 personnes travaillant dans la fonction publique, des entreprises publiques ou privées ou des ONG.
[4] L’environnement, l’entreprise et la norme, Étude par Bernard Teyssié, La Semaine Juridique Sociale n° 50, 14 décembre 2021, 1322.
[5] Santé, sécurité et environnement, Étude par Arnaud Casado, Jérôme Cauët, Sophie Bourguignon et Jean-Philippe Guedon, La Semaine Juridique Sociale n° 50, 14 décembre 2021, 1319.
[6] C. trav., nouvelle rédaction de l’article L 2312-8.
[7] C. trav., art. L2312-18, L2312-21, L2312-23 et L2312-36.
[8] C. trav., art. L. 2242-20.
[9]Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences

19/01/2022

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