Des hommes sans nom de Maury-Victor, Collection Espionnage-Gallimard, Interview pour le Cercle K2

23/05/2022 - 5 min. de lecture

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Entretien avec Hubert Maury, auteur-illustrateur et Marc Victor, romancier, à l'occasion de la sortie de leur roman "Des hommes sans nom" Collection Espionnage-Gallimard.

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Des hommes sans nom de Maury-Victor

Collection Espionnage-Gallimard

Interview pour le Cercle K2

Pourquoi avoir voulu écrire, à quatre mains, un roman d’espionnage ? 

Victor :  Nous nous connaissons depuis longtemps. Depuis 1993 pour être précis. J’étais journaliste pour RFI au Cambodge et je venais de créer un hebdo en langue française, Le Mékong, pour ne pas laisser le champ libre à la seule presse en langue anglaise, comme le Phnom Penh Post ...

Maury :  C’était l’époque de la grande opération de l’ONU, l’APRONUC qui avait pour mission d’organiser des élections générales intégrant toutes les forces en présence, dont les Khmers Rouges. Pour ma part, j’étais alors observateur militaire des Nations Unies, positionné dans un petit village non loin de la frontière avec le Vietnam. Et j’avais pour seul loisir celui de dessiner ce que je voyais. Des dessins humoristiques, du genre dessin de presse...  

Victor :  Hubert est venu me voir à Phnom Penh avec ses dessins – très drôles ! – , et je les ai publiés dans le Mékong. C’était notre première collaboration, bien avant Des hommes sans nom. Après le Cambodge, nous nous sommes perdus de vue. Puis nous nous sommes retrouvés dix ans après en Afghanistan et au Pakistan. J’allais ouvrir mon restaurant L’Atmosphère, qui est devenu plus tard le Kaboul Kitchen dans la série TV de Canal+.

Maury : Je bossais alors à l’ambassade de France de Kaboul, puis d’Islamabad, puis de Kaboul à nouveau. Revenus tous deux à Paris, Marc et moi, nous nous sommes rendus compte que nous avions des goûts et des centres d’intérêt communs. Marc est un grand lecteur ...

Victor : ... notamment de John le Carré et de thrillers géopolitiques en général... Nous aimions tous deux le cinéma de genre ... Hubert avait deux romans graphiques à son actif, Le Pays des Purs, Les derniers Kalash (1) ...

Maury :  Marc venait de publier un roman couronné par le prix des lecteurs de l’Express, Le bout du monde (2) ... Il voulait renouveler une expérience littéraire ... Parler à nouveau de ces contrées mystérieuses et pleines de tumultes qu’il avait sillonnées de long en large ... Et que j’avais moi-même connues...

Victor :  Hubert avait la matière... Nous nous sommes lancés dans l’aventure d’un roman en commun. Un roman de genre ... d’espionnage ... parce que c’est une source inépuisable en termes d’intrigue et de rapports humains, parce que ça fait voyager...

Maury :  ... et parce que ça permet de parler de notre époque... C’est assez en vogue actuellement, l’espionnage !

 

Justement, la presse, sur Des hommes sans nom, évoque des similitudes avec le Bureau des légendes ? N’est-ce qu’un argument de vente ? 

Victor :  Non. C’était incontournable. Eric Rochant a eu l’excellente idée de traiter sérieusement l’espionnage, genre traditionnellement anglo-saxon ... John Le Carré, Graham Greene ... et boudé par les auteurs français...

Maury :  Il est vrai qu’en France, on ne retient du milieu des espions qu’essentiellement des œuvres où il est tourné en dérision, dans les (excellents) films de Lautner, par exemple, La Valise, Les Barbouzes ... et, plus récemment, dans OSS 117 d’Hazanavicius.

Victor :  Le romancier et cinéaste Marc Dugain, notre directeur de collection, qui avait à plusieurs reprises abordé le genre avec succès (Une exécution ordinaire, la trilogie de l’Emprise ...), avait eu, lui aussi, l’intuition qu’il y avait matière à offrir à un public français une vision de l’espionnage sans effets caricaturaux, et à lui redonner toutes ses lettres de noblesse et tout son réalisme. D’où son idée de créer cette collection.

Maury :  Donc, on assume. Mais notre roman se distingue peut-être du Bureau des légendes dans la manière de traiter les personnages. Dans la série, ce sont des ombres, ils n’ont pas de passé (on découvre toutefois que Malotru a une fille et un père), on ne sait rien (ou presque) en revanche de Marina ou de Marie-Jeanne...

Victor :  Dans Le bureau des légendes, le moteur de l’action (sauf, une fois de plus, pour Malotru), c’est la mission. Dans Des hommes sans nom, c’est la psychologie des personnages.

Maury :  Si nos persos agissent dans le cadre d’une mission, c’est leur psychologie qui est décisive dans leur choix d’agir. Tous ont un agenda intime dans leur volonté d’agir. Les bons comme les méchants.

Victor :  Mais la comparaison avec le Bureau des légendes reste pertinente. On retrouve dans Des hommes sans nom des thèmes communs propres au genre, le milieu du renseignement, la géopolitique, l’abnégation, la manipulation, la loyauté, les coups tordus...

Maury :  ... avec l’accent mis sur la manipulation « en interne », sachant que c’est sans doute la plus coriace à mener ... et toutes ces questions inhérentes : Qui manipule qui ? A qui profite le crime ? La relation entre le traitant et sa source prend ici toute son importance.  

 

Les personnages, justement, qui sont-ils ? 

Maury :  On ne peut pas tout vous révéler...

Victor :   ... sinon, on serait obligés de vous... Vous comprenez… En gros : une jeune analyste de la DGSE, méritante et ambitieuse, mais qui semble avoir atteint son plafond de verre et veut faire un « gros coup » pour se démarquer ...

Maury :  Un ancien légionnaire d’origine ukrainienne, officier traitant reconnu, mais rattrapé par son passé et sur lequel pèse de lourds soupçons ...

Victor :  Un chef djihadiste de Daech qui veut faire défection et qui a rencontré l’amour...

Maury :  Une mystérieuse source des Français que tout le microcosme occidental du rens’ envie ...

Victor :   Une vieille dame indigne qui forme des jeunes filles aux attentats-suicide...

Maury :   Une poignée d’hommes du service Action, dotés de pseudonymes qui rendent un discret et amical hommage au Bureau des légendes, justement, et ses fameux jurons du capitaine Haddock ...

Victor :    Un concours est d’ailleurs ouvert aux plus érudits d’entre vous : à quel monument de la littérature les pseudos du SA font-ils référence, sachant que le héros se nomme Nikolaï ?

Maury :    Un patron teigneux de la sécurité de la Boîte qui va embrouiller tout ce petit monde ...

Victor :     Et le FSB russe !

 

Je reviens à ma première question : comment fait-on pour écrire un roman à quatre mains ? C’est assez rare en littérature ... 

Maury :   C’est vrai, quoique, dans le genre polar, il y a des précurseurs fameux : Boileau-Narcejac, Franck-Vautrin et, plus récemment, Manchette-Niemec ... C’est assez confortable d’être à deux pour réfléchir, parce qu’un roman de genre, du type polar ou espionnage, est une mécanique complexe, et il est bon d’avoir un premier lecteur en la personne de son co-auteur, car les écueils de nature à  vous faire sombrer dans une incohérence de scénario sont légion.

Victor :   Pour faire simple : Hubert a plutôt apporté la matière et imaginé l’intrigue, je me suis plus investi dans l’écriture. Mais à chaque étape, de la construction du récit à la rédaction à proprement parler, nous sommes tous deux intervenus. Le produit final est né de longues séances de travail entre nous et d’échanges conséquents de mails.

Maury :   Sans aucun doute, ce roman n’aurait pas pu voir le jour sans cette complémentarité et cette complicité.

 

Vous êtes déjà sur un deuxième, une suite peut-être ? 

Victor :  On y réfléchit.  Mais cela va peut-être dépendre du succès du premier. On aimerait reprendre nos personnages. Ceux qui sont encore là à la fin de l’histoire, en tout cas…

Maury :  On a déjà un soupçon d’intrigue, une pincée de fil rouge, un doigt de contexte, et l’envie de nous balader dans une région du monde différente que pour le premier. Inshallah !  

 

Le mot de la fin ? 

Maury :  Il sera sans aucune hésitation pour notre directeur de collection et nos éditeurs de Gallimard, qui nous ont, dès le début, accordé leur confiance et qui nous ont même offert d’inaugurer la collection ...

Victor :  Marc Dugain, Ludovic Escande et Marie-Caroline Aubert.

Maury :  Reconnaissance éternelle ! Un grand merci à eux !

(1)   Editions La Boîte à Bulles (2017, 2018)

(2)   Editions Jean-Claude Lattès (2016)

23/05/2022

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