Investissement d’impact au service de la société… une lueur d’espoir ?
02/11/2020 - 4 min. de lecture
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Emna Gana-Oueslati est Gender and Social Inclusion Specialist chez Chemonics International Inc.
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"Le pessimiste se plaint du vent, l’optimiste espère qu’il va changer, le réaliste ajuste ses voiles", William Arthur Ward (1921-1994).
Plusieurs mouvements anticapitalistes (anarchisme, marxisme, syndicalisme révolutionnaire, écologie radicale, certains courants chrétiens, conservatisme et nationalisme, nazisme, etc.) se sont mobilisés depuis des générations et ont interpelé plus d’un sur les dérives du système capitaliste qui a longtemps dominé le monde, dans une logique d’accumulation du capital par les actionnaires. Pour contrecarrer la suprématie purement financière de ce système, une diversité d’aspects a été visée. Sans y être limitées, différentes conceptions peuvent faire référence au système capitaliste : le profit et l'importance de l'argent, la spéculation, le salariat, la concurrence économique, les effets sur la société et l’environnement (les inégalités économiques, la marginalisation sociale, le réchauffement climatique, désertification, etc.).
Voilà que le contexte actuel sanitaire de la Covid-19 impose une crise économique et sociale sans précédent. Ce contexte rappelle de nouveau à la nécessité d’intégration des exigences environnementales et sociales dans la gestion des investissements dans les entreprises et les organisations. Il permet de favoriser le développement d’une économie sociale et solidaire et vise à l’amélioration du bien-être collectif. Alors que plusieurs d’entre elles mettent la clé sous la porte, les entreprises et organisations qui tentent de se maintenir sur leurs marchés sont confrontées parfois aux exigences de certains bailleurs de fonds. Des fonds comme la Société Financière d’Investissement (SFI), la Banque Européenne de Reconstruction et de Développement (BERD), Fonds Vert, Deutsche Bank, Crédit Suisse, etc. imposent une nouvelle tendance de la contribution au développement durable des investisseur et ce, en prenant en compte les attentes des parties prenantes et l’intégration de l’impact social et environnemental.
D’après le Global Impact Investing Networking[1] (GIIN), "les investissements d’impact sont des investissements effectués dans des entreprises, des organisations et des fonds avec l’intention d’obtenir un impact social et environnemental mesurable, parallèlement à un rendement financier". Cette définition se distingue de celle de l’investissement socialement responsable (ISR) où les impacts négatifs sont évités sans que les impacts positifs soient nécessairement exigés.
Le concept d’investissement d’impact, repose sur deux concepts fondamentaux : l'intention de l’investisseur et la mesure et l’évaluation de l’impact.
L'intention de l’investisseur est déterminée par ses valeurs et sa vision. Les valeurs comme l’équité, l’égalité, les droits humains, l’éducation, l’inclusion sociale, la diversité du genre, le leadership, le respect de l’environnement, l’autonomisation financière, la solidarité seraient partagées entre actionnaires et autres parties prenantes - toute personne impactée par l’investissement -. La vision de l’investisseur serait la maximisation de l’utilité et des bénéfices avec les parties prenantes. L’intention d’un investisseur d'impact requiert la mesure d'impact social et environnemental de ses investissements parallèlement avec la mesure du rendement financier. De plus en plus, la compréhension de la contribution réelle de l'investisseur, dite additionnalité, est un aspect important.
La mesure et l’évaluation de l'impact commence au moment de la diligence raisonnable initiale et de la décision d'investissement et se poursuit tout au long du cycle de vie de l'investissement. La mesure et l’évaluation est faite grâce à des objectifs finals (et non finaux) et des objectifs intermédiaires SMART (Spécifique, Mesurable, Atteignables, Réalisables et Temporairement définis), dont le suivi requiert l’élaboration d’indicateurs de performance globale (financière, environnementale et sociale).
Le marché des investissements d’impact
Selon le GIIN, face au manque de liquidité des investissements alternatifs, le secteur de l'investissement d'impact connaît une croissance massive et attire plus de 1720 investisseurs d'impact, en 2019, qui prennent au sérieux l'impact social et adoptent des mesures pour se différencier en démontrant leurs intentions, leurs approches de mesure, la gestion des investissements et l'additionnalité. La taille de ce marché des actifs en gestion en lien avec des investissements d’impact est estimée à 715 milliards de dollars, en décembre 2019. Ces actifs sous gestion sont passés de 120 milliards USD en 2016 à 500 milliards en 2018 (+400 %). Les fonds cumulés manquants pour atteindre les objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies d’ici 2030 sont estimés à près de 12 000 milliards, ce qui représente une opportunité d’investissement importante dans des actifs sous forme d'actions ayant le potentiel de contribuer à un impact positif par le biais d'obligations vertes, sociales et durables et de stratégies d'action des actionnaires.
Perception du marché des investissements d’impact
L'enquête annuelle GIIN 2020[2] (10ème édition), adressée à 294 principaux investisseurs d'impact dans le monde, montre que ceux-ci gèrent collectivement plus de la moitié des actifs du marché (404 milliards de dollars d'actifs sur un total de 715 milliards du marché mondial de l'investissement d'impact de 2019).
Une nette majorité de répondants (69 %) considère que le marché des investissements d'impact est en "croissance constante". 21 % des enquêtés parmi des répondants décrivent le marché comme suit : "est sur le point de décoller". Aucun d’entre eux ne voit l'impact du marché de l'investissement comme "en déclin".
En termes de rendement des investissements, une grande majorité des enquêtés (67 %) recherchent des rendements aux taux du marché, 18 % des répondants sont en quête des rendements proches des taux du marché et 15 % des enquêtés recherchent des rendements plus proches de la préservation du capital.
Les personnes interrogées ont indiqué que 76 % des actifs sous gestion sont des investissements directs et 24 % des actifs sont gérés par des intermédiaires (ou indirects), y compris des fonds.
En termes de secteurs d'investissement, les actifs sont variés dans les services financiers, notamment la microfinance (20 %), l'énergie (16 %), la sylviculture (10 %), l'alimentation et l'agriculture (9 %), le logement (8 %), les soins de santé (7 %), l'eau et l'assainissement (6 %) et les infrastructures (4 %).
En termes de coûts et de difficulté technique d’utilisation des outils de mesure et d’évaluation des investissements d’impact, 54 % des répondants, les jugent importantes. Cette appréciation est maintenue stable durant ces deux dernières années. Toutefois, selon l'enquête annuelle GIIN 2020, 66 % des personnes interrogées ont fait part de leurs préoccupations concernant l’Impact Washing (IW). L’IW est une approche d’amélioration de l’image de marque de l'investisseur sans pouvoir mesurer ou produire un impact positif.
Malgré les difficultés techniques et pécuniaires de l’investissement d’impact et face à l’accroissement progressif de ce marché, des réformes institutionnelles et réglementaires qui structureraient l’économie sociale et solidaire s’imposeraient au fil des années. Un changement de culture au niveau des organisations s’improviserait graduellement passant d’un mode de gestion classique à un mode de gestion Environnemental, Social et de Gouvernance (ESG). Ce changement de culture requiert une cohésion sociale entre institutions gouvernementales, organisations non gouvernementales, organisations internationales et entreprises…
Le contexte actuel est propice pour améliorer le bien-être social, alors ajustons nos voiles !
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[1] https://thegiin.org/impact-investing/
[2] https://thegiin.org/research/publication/impinv-survey-2020
02/11/2020