Le processus décisionnel : la prise de décision d’un point de vue cognitif 

22/06/2022 - 14 min. de lecture

Le processus décisionnel : la prise de décision d’un point de vue cognitif  - Cercle K2

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Nathalie Gourdin est Conseillère en communication (crise, stratégie, influence) chez NGM Solutions.

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Depuis toujours, la prise de décision est un acte fondamental qui structure les choix tactiques de la manœuvre aéroterrestre. 

La guerre est composée d’éléments qui interagissent en fonction de l’environnement et de l’adversaire, la rendant ainsi très aléatoire dans sa forme. Elle est, en outre, souvent dominée par le hasard, ces frictions chères à Clausewitz et l’imprévisibilité de l’homme face au stress du champ de bataille. 

Le meilleur rapport de force, l’analyse la plus pertinente ou encore la technologie la plus avancée n’auront que peu d’impact sur ces fameux "impondérables" : l’ennemi réagit rarement comme prévu et les aléas climatiques peuvent également largement influencer l’issue du combat. 

Deux exemples permettent d’illustrer ces points. En 1943, l’opération Husky (le débarquement des troupes alliés en Sicile avec pour objectif d’ouvrir un second front en Europe) a bien failli être annulée en raison d’une météo exécrable. Maintenue en dernière minute par Eisenhower, elle surprit les Italiens qui pensaient être à l’abri d’un assaut... au moins cette nuit-là. 

L’opération "Iraqi Freedom", entre mars et avril 2003, a bien montré que même l’arme réputée infaillible du renseignement américain avait ses limites. Contrairement à ce que prévoyaient les Américains, le monde entier ne s’est pas aligné sur la politique américaine, les armes chimiques, qui justifiaient cette guerre, n’ont pas été découvertes, le régime iraquien ne s’est pas effondré du jour au lendemain et les soldats de la coalition sont loin d’avoir été accueillis comme des libérateurs. 

L’incertitude dépend donc de facteurs liés à l’environnement au sens large, mais également et surtout, à la nature humaine avec ses remarquables ressorts mais aussi ses invariants plus sombres qui conduisent à des choix irrationnels ou inefficaces au combat.

Le soldat est ainsi, avant tout, un individu, avec ses faiblesses, ses imperfections et ses émotions... Malgré l’obéissance exigée par son statut de militaire, le combattant demeure en effet toujours un être libre. 

Quels que soient tous les outils ou méthodes utilisées, l’humain constitue donc le maillon final de la décision. 

Un chef militaire doit se prévaloir d’un certain nombre de qualités afin de gérer à la fois l’incertitude des conflits mais également ses propres émotions, se connaître et se prémunir des "attaques" cognitives de son adversaire, en particulier avec le développement des actions dans les champs immatériels (influence, déception, ruse, brouillage, etc.). 

 

1. Se connaître – connaître le fonctionnement de notre cerveau

Bien que les recherches sur le cerveau n’aient jamais cessé de progresser notamment depuis le début des années 2000, notre fonctionnement cérébral reste encore largement méconnu et extrêmement complexe à saisir.

Les travaux de Paul MacLean dans les années 60 ont démontré que nous avions une structure d’empilement de 3 cerveaux, pouvant s’apparenter à 3 niveaux de plus en plus évolués. 

Nous aborderons leurs rôles spécifiques ainsi que la place occupée dans le processus décisionnel. 

 

Niveau 1 : le cerveau reptilien - la vie et la survie. 

Rapide, il est le siège des pensées automatiques et des réflexes : son temps de réaction est quasiment instantané.

Autonome, il assure les grandes fonctions vitales : boire, manger, dormir...

Génétiquement programmé, il n’apprend rien et vit dans le présent : il génère des réactions stéréotypées en réponse à des stimuli identiques, il met en œuvre une rapidité de décision nécessaire à l’instinct de survie qui le pousse à voir les choses plutôt de "manière sécuritaire " celles à l’origine de la peur et de la fuite. Au combat, il est au cœur des axes réflexes appris à l’entraînement mais peu aussi avoir des conséquences lourdes sur la résilience du soldat ou d’une unité face à l’imprévu. 

 

Niveau 2 : intermédiaire, le limbique - siège des émotions 

Le cerveau limbique est le siège des émotions et de notre mémoire émotionnelle associée : amour, haine, honte, sentiment de ridicule...

L’appréhension des comportements appris en dépendent : peur de prendre la parole en public, sentiment de honte, considérations hiérarchiques dans le groupe, sens de la compétition. Enfin, il constitue "le centre des convictions", des croyances et des certitudes irrationnelles, qui peuvent nous pousser à mourir pour elles. C’est grâce ou à cause de lui que la vérité n’est pas la même partout. À ce titre, évidemment, ce cerveau nous intéresse particulièrement pour l’engagement militaire.

 

Niveau 3 : à l’opposé, le cortex - cérébral et préfrontal.

Il gère les fonctions intellectuelles complexes comme la créativité. Son temps de réaction est plus long que celui du reptilien, de 3 à 4 secondes. Il est subdivisé en 2 parties : le cortex cérébral et le cortex préfrontal.

Le cortex cérébral est le lieu de la sensorialité, la motricité, du langage et de la mémoire, de nos principales perceptions et représentations, des mécanismes très complexes d’apprentissage, des grandes fonctions (logique, linguistique, auditive, vision spatiale, etc.).

Le cortex préfrontal est le centre d’intégration le plus élevé de l’intelligence humaine. En tactique, il représente ce que Napoléon appelait la "rémanence", c’est-à-dire cette capacité à faire la synthèse de ce que l’on a appris (connaissances des batailles, réflexions personnelles, lectures, etc.) pour être créatif sur le champ de bataille face à une situation qui rappelle un engagement précédent ou une approche théorique. 

Après avoir sommairement décrit notre construction cérébrale, il pourrait être supposé que ces 3 entités fonctionnent très bien ensemble, en harmonie et synergie, suivant une hiérarchie établie : les parties plus anciennes au service des parties les plus évoluées. Ce n’est malheureusement pas si simple. 

Le cortex préfrontal et le cerveau limbique, sont tous deux dotés de leur propre centre de traitement des informations émotionnelles et décisionnelles : ils n’ont pas d’autre choix que de "coopérer" en douceur. Il arrive cependant parfois que ces structures cohabitent mal générant des conflits ouverts... Nous le verrons de manière plus précise en étudiant les 2 modes mentaux décisionnels : les modes automatique et préfrontal ! 

 

2. Le mode mental automatique ou MMA : action du cerveau limbique

Il arrive que dans certaines situations, nous n’arrivions pas à prendre en compte la réalité : on appelle cela le mode mental automatique qui va générer l’évitement, voire le refus du problème. 

Nous serons dans un mode anxiogène et douloureux inhibant la recherche de solutions. C’est un état rigide et limitant dans lequel le bien-être et la performance vont vite se dégrader. Si nous considérons la situation sanitaire française actuelle, celle-ci impacte nos émotions : certaines oscillent entrent angoisse et anxiété, liées à de nombreuses inconnues, à la surprise générale, l’inédit et aussi la peur. Cela amène notre cerveau à cet état figé et, pour certains, à basculer de plus en plus dans la déprime voire la dépression en raison des blocages qui s’y opèrent rendant inopérante notre capacité à utiliser notre cortex préfrontal pour trouver des solutions et passer à l’action. Les barrières peuvent aussi se matérialiser dans le corps "physique" : certaines parties peuvent se rigidifier ou carrément se bloquer (dos, genoux, etc.). 

Le cerveau limbique peut s’avérer dominant dans de nombreuses situations car il est à la fois plus ancien que le cortex mais il est surtout situé sur le chemin de l’information ascendante : il est donc le premier à être informé. Il peut ainsi répondre immédiatement à un stimulus. La réponse sera malheureusement souvent très stéréotypée : instinctive et non réfléchie. 

Ce mode mental est sollicité en premier lorsqu’une peur, par exemple, entre en jeu. La réaction est alors, le plus souvent, parfaitement inadaptée à la situation. En cas de fatigue ou faible concentration, le MMA est encore plus dominant. Comprendre notre mode de fonctionnement et reconnaitre nos émotions et notre état de fatigue peut permettre de prendre le recul nécessaire pour faire appel à notre cerveau rationnel. 

À noter que ce verrouillage et ce refus de changer, proviennent de pensées induites par notre amygdale limbique. 

Bien sûr, impacter un mode de décision automatique induit par une émotion peut être utile si on souhaite toucher une personne ou un groupe afin de pouvoir diffuser une idée ou amener vers une action ou un comportement recherché.

Prenons l’exemple de la Covid-19 : la peur de la maladie et de ses variants induit la nécessité de se faire vacciner alors qu’une majorité de la population y serait opposée... 

Nous pouvons également penser aux clips violents de la Sécurité Routière ou encore aux images chocs diffusées dans les journaux télévisés dont l’objectif est de faire réagir. 

D’un point de vue militaire, les actes "réflexe" du combattant ou encore le "drill" peuvent être assimilés à ce mode automatique. L’ entraînement composé d'une série d’exercices qui permet, par leur répétition acharnée, de rendre les soldats, aptes à exécuter sans hésitation, rapidement et sans faute, les manœuvres correspondantes dans des situations extrême et généralement dégradée. A contrario, dans l’histoire militaire, certains chefs, figés par la peur ou par la prise d’ascendant de leur adversaire, sombrent dans l’inactivité voire le refus de décider. On peut citer Varus qui, à la tête de ses légions, est assailli par les Germains dans la forêt de Teutoburg et s’enferre dans sa décision de poursuivre sa manœuvre dans la zone boisée alors que ses hommes lui demandent de trouver un espace découvert pour échapper au massacre. 

 

3. Le mode de décision préfrontal : intelligence et stratégie 

Le préfrontal est une zone située directement derrière le front qui est le siège de l’intégration de toutes les intelligences. Il est sollicité dès qu’une situation inconnue et complexe se présente. Il agit telle une tour de contrôle. 

Cette zone, dont le volume a nettement augmenté depuis son apparition, caractérise l’être humain et constitue le dernier développement de notre cerveau.

À l’opposé des actes élémentaires qu’acquière chaque combattant au travers de sa formation puis de son entrainement régulier, la stratégie globale nécessite une réflexion poussée : il faudra en effet être capable de combiner l’ensemble des facteurs et domaines qui contribueront de plus ou moins loin à soutenir l’action militaire dans sa préparation, sa conduite et les conséquences géopolitiques qui en découleront. C’est le lieu de la mise en œuvre de la méthode de raisonnement tactique avec la prise en compte de tous les éléments qui impactent la manœuvre, du terrain au temps en passant par les facteurs de succès que sont, par exemple, la surprise, la modularité, la recherche de la foudroyance ou encore les mesures de sûreté. 

 

4. Qui commande finalement ?

Nous avons vu que chaque "étage" de notre cerveau (limbique et préfrontal) est doté d’un centre de décision propre et que "plus évolué" ne signifie pas nécessairement "dominant". Joseph LeDoux a démontré par exemple que l’amygdale limbique "exerçait un puissant contrôle en dérivation sur les voies afférentes sensorielles, capables de court-circuiter, par ses réponses émotionnelles rapides (de l’ordre du millième de seconde), les réponses néocorticales et préfrontales plus élaborées...". Notre tendance spontanée n’est donc pas de sortir du fonctionnement limbique. 

La bascule d’un mode à l’autre s’effectue de façon naturelle, aléatoire et spontanée, notamment lorsque le limbique ne peut répondre à une situation qu’il perçoit comme complexe et inconnue, c’est à dire lorsqu’il ne dispose d’aucun programme pouvant y répondre automatiquement et simplement. 

Elle dépendra de la connaissance de soi et de notre capacité à gérer nos émotions et à revenir dans la logique rationnelle : voir les choses telles qu’elles sont, et non meilleures ou pire... Se détacher de l’émotionnel et être focus sur le moment présent : aller chercher des ressources du passé pour préparer et conduire le futur (anticiper et se projeter). La formation des chefs tactiques doit permettre, tout au long du parcours militaire, de développer cette connaissance de soi. En outre, il est important qu’un chef, contrairement à son état-major, souvent plongé dans la conduite, puisse disposer du recul nécessaire pour décider de manière plus froide. 

 

5. Blocage dans la prise de décision : décider dans l’incertitude

Comment être plus efficace dans la prise de décisions en environnement dégradé, sous pression (impact émotionnel).

Dans un contexte incertain, l’Homme est souvent assailli par l’angoisse avant de prendre une décision. Il est difficile d’évoquer cette notion d’incertitude, par essence immatérielle, qui pourrait se définir, de manière générale, comme le caractère imprévisible du résultat d’une action. Elle prend deux formes principales : l’incertitude en finalité (événement futur sur lequel nous n’avons pas tout pouvoir... Vais-je gagner ce match ?) et à l’incertitude de sens (est-ce que Dieu existe ?). 

L’incertitude dépend de facteurs humains et environnementaux : "l’information" se trouve au centre du problème, surtout de la carence qui est souvent anxiogène. 

Pour être efficace, un chef n’a donc d’autre choix que de concevoir et de conduire son action en prenant en compte cette dimension. Pour l’appréhender au mieux et se donner davantage de chances de succès, il faut certes l’apprivoiser mais surtout s’en servir car elle touche également son ennemi ou son concurrent. En outre, la formation ainsi que l’entraînement permettent de limiter l’emprise de l’inconnu. De nombreux ouvrages de tactique militaire traitent de ce sujet comme celui du général Desportes "Décider dans l’incertitude" mais aussi des livres plus "apocryphes" comme "Napoléon, de la guerre" de Bruno Colson où l’auteur tente d’imaginer, au travers de la correspondance de l’Empereur, le traité de stratégie te de tactique qu’il aurait pu écrire. 

 

6. Des outils pour amener l’adversaire dans un processus de décision court automatique et impacter son comportement 

Face à un adversaire, un chef tactique va chercher à obtenir le comportement ou la décision désirée en utilisant l’histoire de son ennemi, sa culture, des images précises qui auront un sens pour lui : utiliser un ancrage qui va induire une émotion et ainsi bloquer sa capacité de raisonnement ou un comportement automatique ou une action souhaitée. Pour cela, préparer sa propre action, anticiper, prendre de vitesse et induire en erreur. L’exemple de l’opération Fortitude en 1944 permet d’illustrer ce point : intoxication des généraux allemands qui ont été confortés dans l’illusion d’un débarquement Allié dans le Pas de Calais, hypothèse qui semblait la plus facile à mener. Plus récemment, la 2ème Guerre du Golfe s’appuyant sur l’affirmation mensongère de la possession d’armes chimiques de destruction massive par l’Irak afin de justifier l’intervention US de l’administration Bush. 

Une émotion est une réaction affective passagère d'intensité plus ou moins forte, qui survient en réaction à un événement déclencheur. 

Le psychologue Paul Ekman distingue ainsi six émotions fondamentales universelles, pour lesquelles la dimension culturelle n’entre pas en compte, ressenti par tous, quel que soit son environnement :

  • trois de haute intensité : la joie, la colère et la surprise ;
  • trois de basse intensité : la tristesse, la peur et le dégoût. 

Dans la vie quotidienne, nous ressentons en permanence des émotions, agréables ou non, dans diverses situations lorsque nous sommes seuls, ou en interaction avec nos amis, notre famille ou nos collègues. L'émotion est légitime, elle traduit un ressenti et a une fonction utile.

Les émotions, lorsqu'elles sont source d'énergie, constituent un moteur puissant mais elles peuvent aussi être un frein, nous bloquer ou nous empêcher d'agir. Par exemple la peur de ne pas être à la hauteur peut nous amener à refuser une promotion. À l'inverse, la réussite d'un projet procure une grande satisfaction, voire de l'enthousiasme. Elle stimule, donne envie d'aller de l'avant et de s'améliorer. Elle constitue un élan.

Être attentif à son ressenti et mettre des mots sur l'intensité de l'émotion développe la conscience émotionnelle et aide à mieux se comprendre et à mieux comprendre l'autre. Une émotion est un indicateur sur ce qui se passe en nous mais également chez le concurrent : les bombardements alliés sur l’Allemagne nazie devaient briser le moral et la résistance de la population...L’effet obtenu a été tout le contraire et a renforcé l’emprise des nazis sur la population mais également développé son esprit de résistance. 

L'identifier et prendre en compte l'information est utile pour agir par la suite : prendre du recul, extérioriser sa colère, prendre le dessus sur son adversaire. Jeanne d’Arc parvient en 1429, par exemple, à freiner l’envie d’en découdre de ses principaux chevaliers aux abords d’Orléans, colère provoquée par les Anglais qui veulent les pousser à charger face à leurs archers bien installés comme ils l’avaient fait à Azincourt. En ne cédant pas à cette "élan offensif" les Français reprennent l’ascendant sur un ennemi surpris et désorienté par ce choix tactique non conformiste. La victoire est obtenue quelques jours plus tard quand plusieurs centaines de Français étrillent 2 500 soldats anglais à Patay. 

· Notre fonctionnement s’organise selon 3 modes d’activités qui s’influencent réciproquement. 

 

· De la perception au comportement :Tout commence par un stimulus, on en fait une interprétation, en découle une émotion (état interne) et finalement un comportement. 


 

· Perception et représentation 

On perçoit le monde au travers de nos 5 sens qui agissent comme des filtres. Les stimuli étant multiples, chaque personne filtre ce qu’elle perçoit, c’est-à-dire qu’elle ne prend en compte qu’une partie en fonction de ce qui l’intéresse consciemment et inconsciemment. 

Chaque personne possède un système de représentation principal qu’elle utilise plus facilement que les autres (VAK)

Par exemple, quand je pense au bruit du moteur de ma voiture, je me fais d’bord une image. 

     1. Perceptions - VAKO (e)

La réalité est appréhendée grâce à nos 5 sens. 

Notre système de perceptions se compose de la vision, de l’audition, du toucher et des sensations internes, de l’odorat et du goût. 

Il est codé <VAKO> E ; E = externe.

V = Visuel A = Auditif K = Kinesthésique O = Olfactif et Gustatif Limites = notre code génétique 

     2. Représentations - VAKO (i) 

Notre système de représentations nous permet de créer mentalement des images, des sons ou mots, des sensations de toucher... 

Il est codé <VAKO> I ; I = interne.

Il existe 2 notions : système de représentation principal et système conducteur. 

Ainsi, pour influer sur le processus de décision d’une personne, il est nécessaire de connaitre son système de représentation interne dans le but d’agir au mieux sur ses perceptions externes. Si ce système ne peut être obtenu ou connu, il faudra alors mixer au mieux l’ensemble des canaux à disposition. 

 

· La construction de notre réalité 

La carte n’est pas le territoire, notre modèle du monde est unique, constitué de notre cadre de référence, notre vision, notre représentation de la réalité.

Il existe une différence fondamentale entre le monde et notre modèle du monde : trois filtres d’activités s’interposent entre la « réalité » et l’expérience que nous en avons. 

- Filtres neurologiques : l'apparence de l’univers résulte de nos sens : il est propre à chaque espèce (génétique). La réalité est donc déjà une création humaine (≠ celle du poisson ou du chat). 

- Filtres culturels : par ses mythes, ses valeurs, ses croyances et son langage, le large groupe humain auquel nous appartenons nous offre une vision particulière du monde, la sienne (≠ celle des Papous ou des esquimaux du Groenland). 

- Filtres personnels : éducation reçue, influence exercée par nos parents, les multiples expériences vécues (chaque histoire de vie est unique). 

 

· Les 3 mécanismes pour établir notre carte du monde

Trois processus nous permettent d’établir et de perpétuer notre vision du monde et d’en assurer la stabilité :

  • La sélection : processus de filtration des stimuli externes et internes vers le champ de la conscience.
  • La distorsion : processus par lequel nous modifions nos perceptions ou nos représentations, utilisé pour interpréter notre expérience afin qu’elle reste cohérente avec notre cadre de référence.
  • La généralisation : processus qui consiste à étendre à une catégorie entière de situations ou de personnes ce qui a été appris dans une situation. En tactique, il est donc important de ne pas sous-estimer son adversaire mais surtout de le connaître (doctrine, culture, histoire, etc.) et ce, afin d’amplifier des effets cinétiques ou non 5décpetion, camouflage, Info Ops, etc.) dans le but de fragiliser voire de perturber sa bonne perception de la réalité du terrain comme celle des vrais objectifs de notre manœuvre.

 

Conclusion : le cerveau limbique a une place prépondérante dans le processus de décision : il peut en effet prendre le contrôle très facilement en "basculant" vers le mode automatique, c’est-à-dire en circuit de décision très court, caractérisé par une réduction de la rationalité et du raisonnement. Ce processus est engendré par nos émotions et la construction de notre propre réalité. 

Pour prendre de bonnes décisions, en particulier sur le champ de bataille, la compréhension de notre fonctionnement, la déconstruction de certaines croyances et l’optimisation de l’utilisation des différents filtres sont essentielles pour ne pas être « abusé » par l’ennemi mais aussi pour saisir les opportunités ou les dangers du combat. 

Il est également indispensable de se connaitre et d’essayer de se mettre à la place de l’autre, c’est-à-dire, bien connaitre son ennemi afin de l’amener à prendre des décisions qui nous seront favorables.

Le psychologue Antonio Damasio a montré que les émotions étaient indispensables à la validité de nos raisonnements : sans émotion, on ne peut pas fonctionner correctement. Il faut donc faire preuve d’intelligence émotionnelle et utiliser ses émotions comme des boussoles : pas de bonnes émotions, pas de bonnes décisions. 

Nathalie Gourdin

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22/06/2022

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