Proposition de Loi n° 3452 de Monsieur Jean-Michel Fauvergue relative à la "Sécurité globale"

20/11/2020 - 9 min. de lecture

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Franck Richard est Avocat au Barreau de Paris & Conseiller juridique de la FPDC (Fédération Professionnelle du Drone Civil).

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Proposition de Loi n° 3452 de Monsieur Jean-Michel Fauvergue relative à la "Sécurité globale"

(Sur fond de "sécurité globale" : officialisation et réglementation de l’utilisation des drones avec possibilité de captations d’images)

D’une manière générale, cette proposition de loi trouve son origine première dans le programme présidentiel de 2017 de Monsieur Emmanuel Macron qui a fait de la sécurité une priorité de son mandat. Plus précisément, face à un constat grandissant d’insécurité, d’incivilités, de violences aux personnes, de trafics de stupéfiants et, dans un second temps, de menaces terroristes et, depuis la Covid-19, de non respect de mesures d’urgences, il a été décidé d’intégrer plus directement l’ensemble des acteurs de la sécurité et de la sûreté autour d’un "continuum de sécurité".

Cela s’entend de permettre à l’ensemble des forces de police et de sécurité, y compris, privées, d’être "inventif et innovant afin de renforcer le continuum de sécurité, tout en respectant pleinement les identités et les missions de chacun des acteurs qui y contribuent. Elle vise aussi à doter chacun d’entre eux des moyens et des ressources pour assurer plus efficacement et plus simplement les missions qui leur sont confiées".

La proposition de loi traite, notamment, de la question du "recours à de nouveaux moyens technologiques", ce qui implique que la notion même de sécurité globale passe par une utilisation adaptée des outils technologiques à disposition, dont la "captation d’images" (Titre III), sujet parmi lesquels est inclus celui du "régime juridique de captation d’images par des moyens aéroportés (Article 22)".

Ainsi, la proposition de loi prévoit-elle d’autoriser les services de l’État concourant à la sécurité intérieure et à la défense nationale et les forces de sécurité civile "à filmer par voie aérienne pour des finalités précises, (…) en fixant les garanties qui assurent le respect des libertés publiques".

Les dispositions de la proposition de Loi, telles que ci-dessus évoquées, se présentent tel que ci-dessous exposé :

TITRE III

VIDÉOPROTECTION ET CAPTATION D’IMAGES (…)

Article 22

Le titre VI du titre II du code de la sécurité intérieure est complété par un chapitre II ainsi rédigé :

"Chapitre II

"Caméras aéroportées

"Art. L. 242‑1. – Les dispositions du présent chapitre déterminent les conditions dans lesquelles les autorités publiques mentionnées aux articles L. 242‑5 et L. 242‑6 peuvent procéder au traitement d’images au moyen de caméras installées sur des aéronefs.

"Art. L. 242‑2. – Lorsqu’elles sont mises en œuvre sur la voie publique, les opérations mentionnées aux articles L. 242‑5 et L. 242‑6 sont réalisées de telle sorte qu’elles ne visualisent pas les images de l’intérieur des domiciles ni, de façon spécifique, celles de leurs entrées.

"Les images captées peuvent être transmises en temps réel au poste de commandement du service concerné.

"Art. L. 242‑3. – Le public est informé par tout moyen approprié de la mise en œuvre de dispositifs aéroportés de captation d’images et de l’autorité responsable, sauf lorsque les circonstances l’interdisent ou que cette information entrerait en contradiction avec les objectifs poursuivis.

"Art. L. 242‑4. – Les traitements prévus aux articles L. 242‑5 et L. 242‑6 ne peuvent être mis en œuvre de manière permanente.

"L’autorité responsable tient un registre des traitements mis en œuvre précisant la finalité poursuivie, la durée des enregistrements réalisés ainsi les personnes ayant accès aux images, y compris le cas échéant au moyen d’un dispositif de renvoi en temps réel.

"Hors le cas où ils sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, les enregistrements sont conservés pour une durée de trente jours.

"Art. L. 242‑5. – Dans l’exercice de leurs missions de prévention des atteintes à la sûreté de l’État, la défense ou la sécurité publique et de prévention, de recherche, de constatation ou de poursuite des infractions pénales, les services de l’État concourant à la sécurité intérieure et à la défense nationale peuvent procéder, au moyen de caméras installées sur des aéronefs, à la captation, l’enregistrement et la transmission d’images aux fins d’assurer :

"1° La sécurité des rassemblements de personnes sur la voie publique ou dans les lieux ouverts au publics, lorsque les circonstances font craindre des troubles graves à l’ordre public, ainsi que l’appui des personnels au sol en vue de maintenir ou de rétablir l’ordre public ;

"2° La prévention d’actes de terrorisme ;

"3° Le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves ;

"4° La protection des bâtiments et installations publics et de leurs abords ;

"5° La sauvegarde des installations utiles à la défense nationale ;

"6° La régulation des flux de transport ;

"7° La surveillance des littoraux et des zones frontalières ;

"8° Le secours aux personnes ;

"9° La formation et la pédagogie des agents.

"Art. L. 242‑6. – Dans l’exercice de leurs missions de prévention, de protection et de lutte contre les risques de sécurité civile, de protection des personnes et des biens et de secours d’urgence, les services d’incendie et de secours, les formations militaires de la sécurité civile, la brigade des sapeurs‑pompiers de Paris et le bataillon des marins‑pompiers de Marseille peuvent procéder en tous lieux, au moyen de caméras installées sur des aéronefs, à la captation, l’enregistrement et la transmission d’images aux fins d’assurer :

"1° La prévention des risques naturels ou technologiques ;

"2° Le secours aux personnes et la défense contre l’incendie ;

"3° La formation et la pédagogie des agents.

"Art. L. 242‑7. – Les modalités d’application du présent chapitre et d’utilisation des données collectées sont précisées par un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés".
 

Cette proposition de loi constitue une avancée claire et importante en faveur de l’utilisation des drones pour sauvegarde de la "sécurité globale". Elle précise les modalités de mise en œuvre outre de captations d’images et prévoit, expressément, une consultation, a priori, de la CNIL. En cela, elle se conforme à la décision du Conseil d’État du 18 mai 2020 objet d’une précédente Tribune.

Pour autant, dans sa décision du 18 mai 2020, le Conseil d’État avait, clairement, indiqué que la notion de captations d’images constituait une atteinte grave au principe fondamental de "respect de la vie privéer et que pour éviter de tomber dans ce travers, au-delà de ce qui a été ci-dessus prévu dans la proposition de loi, il y aurait lieu de se rapprocher des constructeurs afin que les aéronefs concernés par les prises de vues ne puissent procéder à des captations d’images mais à de simples prises de vue instantanées, non enregistrées, mais transmises en directe pour alerter les forces de l’ordre de la commission de délits sur zones et, ainsi, permettre l’envoi de patrouilles ou de brigades d’interventions.

Au final, la proposition de loi a entendu faire fi de cela et consacrer le principe total de captations d’images avec possibilité d’enregistrement, de transmission mais, également, de conservation, durant minimum 30 jours, ce qui est très élargi et ne manquera pas de susciter débats.

À cet égard, cette proposition de loi a, globalement, donné lieu à pas moins de 450 amendements dont 39 portent sur l’article 22 et ses diverses alinéas. Ces amendements font état :

  • de craintes de l’envahissement de l’espace public par les drones de surveillances (amendement rejeté),
  • de ce que la définition d’un aéronef trop large en son état actuel de sorte qu’elle inclurait tous les aéronefs et non les seuls télé-pilotés (amendement rejeté),
  • de ce que la reconnaissance faciale devrait être exclue des caméras (amendement rejeté),
  • de ce que les espaces privatifs devraient être exclus des captations (amendement rejeté),
  • de ce que le fait de garantir le droit à la protection des données personnelles devrait être garanti (amendement rejeté),
  • de ce que des informations de captations d’images par drones (sauf situations particulières) devraient figurer sur des signalétiques (amendement adopté),
  • de ce que la reconnaissance faciale est une technique portant atteinte au droit au respect de la vie privée ainsi qu’à celui de la protection des données à caractère personnel (amendement rejeté),
  • de ce que les enregistrements issus des drones peuvent être utilisés à des fins de pédagogie et de formation des agents, dans le cadre d'un décret en Conseil d'État. Cela permet de lever une ambiguïté de la rédaction initiale qui pouvait laisser penser que le recours aux drones était possible pour la finalité autonome de la formation, ce qui aurait constitué une atteinte disproportionné à la vie privée (amendement adopté),
  • de ce que les images devraient être conservées sur une durée plus courte que les 30 jours minimum prévus (amendement rejeté),
  • de ce qu’il convient d'encadrer au maximum l'utilisation de drones filmant la voie publique en demandant aux forces de l'ordre d'en justifier la stricte nécessité et proportionnalité au regard des objectifs et moyens de contrôle existants (amendement rejeté),
  • de ce qu’il est indispensable que la mise en œuvre des caméras aéroportées par les forces de l’ordre de l’État poursuive une finalité générale de prévention des atteintes aux personnes ou aux biens. Ces outils techniques sont particulièrement utiles pour faciliter ces missions et éviter des situations à risque ; que, donc, afin d’encadrer cette finalité de sécurité publique, le déploiement de caméras aéroportées ne sera possible que dans les lieux particulièrement exposés à des risques de troubles à l’ordre public, qu’il s’agisse d’agressions, de vol ou de criminalité organisée sous forme de trafics d’armes, d’êtres humaines ou de stupéfiants (amendement adopté),
  • de ce qu’au regard de leurs missions et des évolutions induites par la présente proposition de loi, les agents de police municipale doivent pouvoir être autorisés à déployer des caméras aéroportées, notamment des drones. Un tel déploiement permettra de faciliter l’exercice des missions de sécurisation de la police municipale au quotidien, tout en limitant les risques résultant de l’emploi de moyens humains lors des interventions. Le présent amendement a donc pour objet d’étendre aux services de police municipale l’usage des dispositifs aéroportés de captation d’images, en aménageant les garanties applicables. Ainsi, les services demandeurs devront préalablement avoir conclu une convention de coordination des interventions de la police municipale et des forces de sécurité de l’État. Les services de police municipale devront ensuite solliciter le préfet territorialement compétent pour obtenir l’autorisation de recourir à des caméras embarquées, ce qui permettra d’en contrôler le caractère nécessaire, proportionné et suffisamment sécurisé sur le plan technique (amendement en traitement),
  • de ce qu’il serait indispensable détendre l’utilisation des drones de la police au domaine de la pratique des rodéos motorisés, en tant qu’infraction au Code de la route en ce que cela entrait déjà dans le champ des finalités des caméras aéroportées prévues par la proposition de loi. Cette délinquance pourra être appréhendée notamment par les drones, sans qu’il soit nécessaire de prévoir une finalité spécifique à cette fin, à l’instar du cadre juridique applicable pour l’utilisation des caméras individuelles (2 amendements quasi identiques dont l’un en traitement et l’autre adopté),
  • de ce que la condition du déploiement de ces moyens de captation d’image doit être la définition d’un cadre assurant la garantie des libertés individuelles (amendement rejeté),
  • de ce que la régulation des flux de transport constitue une finalité trop large qui peut induire une sorte de surveillance quasi-généralisée qui paraît contraire à notre état de droit (amendement rejeté),
  • de ce qu’afin d’encadrer la finalité de sécurité publique via l’utilisation des drones et de captations d’images, le déploiement de caméras aéroportées ne sera possible que dans les lieux particulièrement exposés à des risques de troubles à l’ordre public, qu’il s’agisse d’agressions, de vol ou de criminalité organisée sous forme de trafics d’armes, d’êtres humaines ou de stupéfiants (amendement adopté),
  • enfin, un amendement stipulait : "par dérogation aux dispositions de l’article 1er de la loi n° 75‑1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous‑traitance, l’entreprise qui entend exécuter un contrat ou un marché concernant l’usage des caméras aéroportées ne peut, sous sa responsabilité, sous‑traiter l’exécution que d’une partie de ses prestations", l’objectif recherché étant, alors, de sécuriser la sous-traitance des enregistrements en l’encadrant selon un parallélisme de forme avec l’article 7 de la présente proposition de loi (amendement rejeté).

Cette proposition de loi est, donc, passée en première lecture et il est fort à penser que, d’ici son éventuelle adoption, la réglementation européenne, prévue le 31 décembre 2020, sera entrée sur le Territoire Français, ce qui nécessitera, certainement, quelques adaptations de transition dans la mesure, notamment, ou cette proposition n’a, étonnamment, nullement tenu compte des ouvertures et améliorations prévues par la réglementation européenne.

Franck Richard

20/11/2020

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