Le Cercle K2 n'entend donner ni approbation ni improbation aux opinions émises dans les publications (écrites et vidéos) qui restent propres à leur auteur.
Franck Richard est Avocat au Barreau de Paris & Conseiller juridique de la FPDC (Fédération Professionnelle du Drone Civil).
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Proposition de Loi n° 3452 de Monsieur Jean-Michel Fauvergue relative à la "Sécurité globale"
(Sur fond de "sécurité globale" : officialisation et réglementation de l’utilisation des drones avec possibilité de captations d’images)
D’une manière générale, cette proposition de loi trouve son origine première dans le programme présidentiel de 2017 de Monsieur Emmanuel Macron qui a fait de la sécurité une priorité de son mandat. Plus précisément, face à un constat grandissant d’insécurité, d’incivilités, de violences aux personnes, de trafics de stupéfiants et, dans un second temps, de menaces terroristes et, depuis la Covid-19, de non respect de mesures d’urgences, il a été décidé d’intégrer plus directement l’ensemble des acteurs de la sécurité et de la sûreté autour d’un "continuum de sécurité".
Cela s’entend de permettre à l’ensemble des forces de police et de sécurité, y compris, privées, d’être "inventif et innovant afin de renforcer le continuum de sécurité, tout en respectant pleinement les identités et les missions de chacun des acteurs qui y contribuent. Elle vise aussi à doter chacun d’entre eux des moyens et des ressources pour assurer plus efficacement et plus simplement les missions qui leur sont confiées".
La proposition de loi traite, notamment, de la question du "recours à de nouveaux moyens technologiques", ce qui implique que la notion même de sécurité globale passe par une utilisation adaptée des outils technologiques à disposition, dont la "captation d’images" (Titre III), sujet parmi lesquels est inclus celui du "régime juridique de captation d’images par des moyens aéroportés (Article 22)".
Ainsi, la proposition de loi prévoit-elle d’autoriser les services de l’État concourant à la sécurité intérieure et à la défense nationale et les forces de sécurité civile "à filmer par voie aérienne pour des finalités précises, (…) en fixant les garanties qui assurent le respect des libertés publiques".
Les dispositions de la proposition de Loi, telles que ci-dessus évoquées, se présentent tel que ci-dessous exposé :
TITRE III
VIDÉOPROTECTION ET CAPTATION D’IMAGES (…)
Article 22
Le titre VI du titre II du code de la sécurité intérieure est complété par un chapitre II ainsi rédigé :
"Chapitre II
"Caméras aéroportées
"Art. L. 242‑1. – Les dispositions du présent chapitre déterminent les conditions dans lesquelles les autorités publiques mentionnées aux articles L. 242‑5 et L. 242‑6 peuvent procéder au traitement d’images au moyen de caméras installées sur des aéronefs.
"Art. L. 242‑2. – Lorsqu’elles sont mises en œuvre sur la voie publique, les opérations mentionnées aux articles L. 242‑5 et L. 242‑6 sont réalisées de telle sorte qu’elles ne visualisent pas les images de l’intérieur des domiciles ni, de façon spécifique, celles de leurs entrées.
"Les images captées peuvent être transmises en temps réel au poste de commandement du service concerné.
"Art. L. 242‑3. – Le public est informé par tout moyen approprié de la mise en œuvre de dispositifs aéroportés de captation d’images et de l’autorité responsable, sauf lorsque les circonstances l’interdisent ou que cette information entrerait en contradiction avec les objectifs poursuivis.
"Art. L. 242‑4. – Les traitements prévus aux articles L. 242‑5 et L. 242‑6 ne peuvent être mis en œuvre de manière permanente.
"L’autorité responsable tient un registre des traitements mis en œuvre précisant la finalité poursuivie, la durée des enregistrements réalisés ainsi les personnes ayant accès aux images, y compris le cas échéant au moyen d’un dispositif de renvoi en temps réel.
"Hors le cas où ils sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, les enregistrements sont conservés pour une durée de trente jours.
"Art. L. 242‑5. – Dans l’exercice de leurs missions de prévention des atteintes à la sûreté de l’État, la défense ou la sécurité publique et de prévention, de recherche, de constatation ou de poursuite des infractions pénales, les services de l’État concourant à la sécurité intérieure et à la défense nationale peuvent procéder, au moyen de caméras installées sur des aéronefs, à la captation, l’enregistrement et la transmission d’images aux fins d’assurer :
"1° La sécurité des rassemblements de personnes sur la voie publique ou dans les lieux ouverts au publics, lorsque les circonstances font craindre des troubles graves à l’ordre public, ainsi que l’appui des personnels au sol en vue de maintenir ou de rétablir l’ordre public ;
"2° La prévention d’actes de terrorisme ;
"3° Le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves ;
"4° La protection des bâtiments et installations publics et de leurs abords ;
"5° La sauvegarde des installations utiles à la défense nationale ;
"6° La régulation des flux de transport ;
"7° La surveillance des littoraux et des zones frontalières ;
"8° Le secours aux personnes ;
"9° La formation et la pédagogie des agents.
"Art. L. 242‑6. – Dans l’exercice de leurs missions de prévention, de protection et de lutte contre les risques de sécurité civile, de protection des personnes et des biens et de secours d’urgence, les services d’incendie et de secours, les formations militaires de la sécurité civile, la brigade des sapeurs‑pompiers de Paris et le bataillon des marins‑pompiers de Marseille peuvent procéder en tous lieux, au moyen de caméras installées sur des aéronefs, à la captation, l’enregistrement et la transmission d’images aux fins d’assurer :
"1° La prévention des risques naturels ou technologiques ;
"2° Le secours aux personnes et la défense contre l’incendie ;
"3° La formation et la pédagogie des agents.
"Art. L. 242‑7. – Les modalités d’application du présent chapitre et d’utilisation des données collectées sont précisées par un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés".
Cette proposition de loi constitue une avancée claire et importante en faveur de l’utilisation des drones pour sauvegarde de la "sécurité globale". Elle précise les modalités de mise en œuvre outre de captations d’images et prévoit, expressément, une consultation, a priori, de la CNIL. En cela, elle se conforme à la décision du Conseil d’État du 18 mai 2020 objet d’une précédente Tribune.
Pour autant, dans sa décision du 18 mai 2020, le Conseil d’État avait, clairement, indiqué que la notion de captations d’images constituait une atteinte grave au principe fondamental de "respect de la vie privéer et que pour éviter de tomber dans ce travers, au-delà de ce qui a été ci-dessus prévu dans la proposition de loi, il y aurait lieu de se rapprocher des constructeurs afin que les aéronefs concernés par les prises de vues ne puissent procéder à des captations d’images mais à de simples prises de vue instantanées, non enregistrées, mais transmises en directe pour alerter les forces de l’ordre de la commission de délits sur zones et, ainsi, permettre l’envoi de patrouilles ou de brigades d’interventions.
Au final, la proposition de loi a entendu faire fi de cela et consacrer le principe total de captations d’images avec possibilité d’enregistrement, de transmission mais, également, de conservation, durant minimum 30 jours, ce qui est très élargi et ne manquera pas de susciter débats.
À cet égard, cette proposition de loi a, globalement, donné lieu à pas moins de 450 amendements dont 39 portent sur l’article 22 et ses diverses alinéas. Ces amendements font état :
Cette proposition de loi est, donc, passée en première lecture et il est fort à penser que, d’ici son éventuelle adoption, la réglementation européenne, prévue le 31 décembre 2020, sera entrée sur le Territoire Français, ce qui nécessitera, certainement, quelques adaptations de transition dans la mesure, notamment, ou cette proposition n’a, étonnamment, nullement tenu compte des ouvertures et améliorations prévues par la réglementation européenne.
Publié le 20 novembre 2020