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Le Général Marc Delaunay est Président de MARS Analogies.
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L’idée n’est pas neuve : le service national s’invite une fois de plus dans la campagne électorale même si ses modalités restent obscures. Option abandonnée il y a vingt ans, il retrouverait ainsi sa mission : faire renaître à la fois les besoins de défense à la mesure des nouvelles menaces, recréer un sentiment national collectif, contribuer au traitement à la racine du mal être de la société et à l’insertion de la jeunesse dans un avenir sans visibilité.
À la fois nostalgie d’une histoire nationale disparue, résurgence des valeurs d’un creuset collectif qui a fait ses preuves en temps de guerre comme dans nos paix provisoires, totem rituel d’un passage à l’âge adulte devenu interminable, le service militaire ne mérite ni ces éloges fiévreux rétrospectifs ni les critiques caricaturales.
Ses détracteurs le détestent davantage par idéologie, par paresse ou par égoïsme que pour des raisons opérationnelles sachant qu’elles émanent le plus souvent de ceux mêmes qui y ont échappé ou ont la mauvaise conscience a posteriori d’un service sous-investi.
Il fut ce que le pouvoir politique, dans sa lâcheté comme dans ses courages, en fit à tous ses âges. Révolutionnaire pour une nation en armes, inégalitaire au bénéfice des seuls nantis, il assuma sa vocation à la mesure du sens, de l’effort et de l’énergie déployés aux moments clés de notre histoire. Incarnation et reflet du moral de la Nation, il subit progressivement, après la crise algérienne puis la chute du mur de Berlin, faute de reconsidérer intelligemment son format, l’usure historique et sociologique liée à la décroissance géostratégique et économique de notre pays. Lâché par le refus, au nom de la technicité, d’engager le contingent dans les opérations extérieures, le principe de précaution étendu aux affaires militaires, la doctrine masquée du risque zéro avec l’opinion publique, sa suspension - le mot veut tout dire – sonna le dernier souffle de "l’armée de métier" telle que la rêvait, dans l’entre-deux guerres, le Général de Gaulle : une armée mixte, formée d’unités professionnelles de haute technicité et d’un socle solide de conscrits formés et entraînés.
Face aux nouveaux enjeux géostratégiques et de concurrence économique impitoyable qui nous font vivre dans une guerre totale non déclarée, un choix sociétal de Défense va s’imposer. Le maintien de notre vaillante armée professionnelle patiemment mise sur pied durant deux décennies sur le fil étroit et permanent de la limite de ses capacités, respectée de la Nation comme à l’étranger, mais en butte croissante à une adversité de haute intensité sur les théâtres d’opération extérieurs, vient immédiatement à l’esprit. Il rallie une majorité des suffrages dans les rangs en treillis et maintient le corps militaire dans ses frontières professionnelles.
Cependant, malgré les efforts déployés pour maintenir un outil militaire moderne, crédible et performant, on pourrait considérer que, "si la mesure est bonne, elle n’est pas pleine" dans le registre d’une défense globale impliquant davantage la Nation et à la mesure des nouveaux risques. La crise sanitaire et les attentats terroristes ont montré combien les citoyens d’aujourd’hui sont démunis en matière de compréhension des enjeux, d’intelligence économique, de gestion de crise, de résilience, de protection civile et d’actes réflexes élémentaires face à l’agression sous toutes ses formes.
Pour démentir l’épouvantail du coût du service national et les railleries évoquant Courteline, un peu d’imagination pourrait privilégier un véritable service civique universel accueilli au sein des infrastructures existantes de la Défense avec des solutions d’hébergement et d’instruction frugales menées sur le terrain. Encadré pour partie par une vraie réserve revigorée, une période de formation militaire initiale de deux mois serait suivie par une phase de service civique de 4 à 10 mois, différenciée selon les compétences déjà acquises et l’expérience préalable demandée à une jeunesse en quête de sens, d’utilité et d’accès à l’emploi : éducatives, sanitaires, sociales, humanitaires, administratives, entrepreneuriales, technologiques et numériques. Cet engagement collectif fondé sur le sens du service privilégierait les catégories, les domaines et les régions les moins favorisés tout en exigeant l’implication des privilégiés médiocrement formés à l’exercice de l’autorité, au leadership, à l’innovation et au "ménagement" des femmes et des hommes.
En outre, ce service civique universel pourrait utilement étendre à l’ensemble du territoire métropolitain et ultramarin les missions dérivées du service national comme le SMA, le SMV, les EPIDE, l'ébauche de SNU, et intégrer le millefeuille éparpillé et dispendieux des nombreux dispositifs civiques, d’insertion et sociaux déployés pour compenser les insuffisances critiques du système scolaire, éducatif et pénitentiaire.
Ni remède miracle, ni solution de la dernière chance, le retour à un service civique universel, synthèse entre notre modèle historique et le meilleur d’expériences étrangères comme en Suisse et en Israël, ne peut s’envisager que comme la composante d’un projet collectif de redressement socioéconomique et d’insertion. Il placerait la jeunesse, jusqu’ici dramatiquement déresponsabilisée, au cœur d’un projet national engagé dans la lutte contre les inégalités, l’illettrisme et l’illectronisme, qui freinent l’assimilation des nouveaux venus comme des générations anciennes et l’émergence d’une société du savoir.
Impliquant la Défense[1] au sens interministériel le plus large et non les seules armées, il viserait, de manière transverse et progressive, à restaurer le lien intergénérationnel et sociétal entretenu avec peine par le tissu associatif et l’engagement d’un État en manque de stratégie et en perte d’autorité en faisant un appel raisonné à l’organisation et à la formation militaires et civiques pour remobiliser les collectivités territoriales, la citoyenneté de terrain et l’utilité sociale.
Plus largement, quelle que soit l’évolution choisie, la priorité absolue qui émerge de cette période de transition institutionnelle est de remettre d’urgence le citoyen en première ligne, de retisser un lien social maltraité par la conjuration des intérêts mercantiles et communautaristes et de restaurer l’esprit de service à sa place régalienne tant le vocable et son contenu ont déserté notre paysage politique.
La France pourrait utilement investir la générosité de sa jeunesse dans une "Mission publique" mobilisée au profit rapide d’une ambition collective. Voilà de quoi combler le fossé entre une fonction publique malmenée entre la gouvernance média-technocratique de fausses élites démonétisées et la frustration sourde du terrain, celui des citoyens infantilisés, suradministrés, régentés par des normes insensées et, partant, insatisfaits du gâchis socioéconomique du pays et des piètres services rendus par un État qui monopolise 57 % de la ressource nationale.
Les droits ne valent que par les devoirs qui les sous-tendent.
Servir, le premier d’entre eux, est pour chaque citoyen français un impératif permanent au cœur de notre capacité collective d’œuvrer ensemble à la vocation millénaire de notre pays et à l'aspiration secrète du peuple français.
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[1] "Comme pour certaines missions difficiles, ce n’est pas son métier mais personne d’autre qu’elle ne peut la remplir !"
09/11/2020