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Olivier le Mailloux est Avocat, Membre du Conseil de l’Ordre du Barreau de Marseille et Ancien secrétaire de la Conférence.
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Véritable "chêne constitutionnel", notre Constitution a fait preuve d’une grande robustesse à l’épreuve des crises qu’elle a traversées.
Aujourd’hui plus que jamais, elle demeure un instrument incontournable des drames qui nous frappent.
Notre Constitution confie au Chef de l’État les pouvoirs nécessaires de résolution d’une crise.
Véritable clé de voûte des institutions, oint par le suffrage universel direct, le Président de la République dispose des choix stratégiques les plus larges que lui offre le texte suprême.
Il nomme le Premier ministre.
Il dispose de l’administration par l’entremise du Premier ministre et de l’armée.
Il pourvoit aux emplois civils et militaires et fait appliquer sa politique par le Premier ministre dont le contrôle et la gestion se font lors du conseil des ministres.
Il dispose d’une task force lui permettant d’être informé et conseillé en temps réel sur tous les domaines stratégiques.
Enfin, en qualité de Chef des armées, il dispose du pouvoir d’engagement de troupes et de la dissuasion nucléaire dont il est le maître et le garant.
La Constitution prévoit expressément plusieurs cadres en matière de gestion de crise
1) L’état d’urgence de la loi du 3 avril 1955
L’état d’urgence peut être déclaré par le Président de la République en cas d’événement présentant par leur nature et leur gravité le caractère de calamités publiques.
Ainsi, le Préfet peut interdire la circulation, interdire de séjour toute personne dont le comportement laisse à penser qu’elle constitue une menace pour l’ordre public.
Il peut également ordonner la remise des armes catégories B et C.
Le gouvernement peut, par décret, dissoudre les associations qu’il estime être vectrices de trouble à l’ordre public
Le ministère de l’Intérieur peut assigner à résidence et ordonner la fermeture de lieu de débit de boissons, spectacles, lieu de réunion et bloquer certains sites Internet apologétiques et créateurs de menace pour l’ordre public.
Toutes ces mesures peuvent faire l’objet d’un contrôle de légalité étroit de la part du juge administratif qui appréciera de leur nécessité et de leur proportionnalité.
Néanmoins, il est admis par la jurisprudence constitutionnelle que le législateur puisse créer des régimes ad hoc.
Tel est le cas de la loi du 23 mars 2020 ayant pour objet de doter l’exécutif de moyens pour lutter contre l’épidémie Covid-19.
2) La loi du 23 mars 2020 d’urgence sanitaire
Adoptée le 23 mars 2020 dans des conditions de constitutionnalité particulièrement critiquable, la loi d’urgence sanitaire est un instrument supplémentaire conféré à l’exécutif pour affronter la crise Covid-19.
Critiquable sur le fond dans la mesure où elle n’apporte que très peu d’instruments supplémentaires à l’exécutif, critiquable quant à la forme, car son élaboration aurait dû compromettre inexorablement sa constitutionnalité pour un manquement à la procédure d’élaboration ex ante.
Cette loi tient essentiellement au fait que le Président de la République ne voulait pas déclarer l’état d’urgence en pleine pandémie afin de ne pas accentuer un climat anxiogène.
Toujours est-il que cette loi permet au Premier ministre de :
- restreindre la liberté d’aller et venir, d’entreprendre et de réunion,
- réquisitionner les services publics,
- imposer des mesures d’hygiène.
Sous le contrôle du juge administratif qui, par ailleurs, a très largement avalisé sans motivation convaincante les décisions gouvernementales les plus critiquables au point que certains universitaires et praticiens s’en sont largement émus.
La communication erratique de certains ministres ainsi que des injonctions contradictoires ont généré un contentieux élevé devant le Conseil d’État.
À titre d’exemples :
- La question de la chloroquine dont un collectif que je représentais afin de contester la légalité de l’arrêté Buzin procédant au retrait de ce médicament en vente libre depuis 1926 au mois de janvier 2020. Le Conseil d’État ne s’est pas prononcé sur la pertinence de l’arrêté en estimant que la pandémie était en voie de régression et que, de ce fait, l’urgence imposée par la procédure n’était plus utilement invocable (sic).
- Il en est de même pour le recours réalisé afin que les avocats puissent disposer dans leur mission les plus urgentes et les plus incontournables qui nous avaient été imposées par la Garde des Sceaux durant l’épidémie de bénéficier de masques alors même que les magistrats commençaient en être dotés. Initié par le Barreau de Marseille, le recours a été soutenu très activement par l’intégralité de la profession et des syndicats, soit plus de 70 000 praticiens. Le Conseil d’État a dû admettre qu’effectivement, il était nécessaire que les avocats puissent bénéficier de masques et qu’ils puissent être aidés dans leur recherche de fournisseurs par l’ARS, tout en rejetant toute faute de l’État.
- Plus bucolique, le Conseil d’État a fait droit à certains requérants estimant que l’État avait violé les libertés fondamentales de nos concitoyens en ce qu’il avait interdit la pratique du vélo durant la période d’état d’urgence sanitaire.
- Plus inquiétant, le Conseil d’État a censuré en pleine période épidémique l’interdiction de manifester dans l’affaire Traoré tout en la conditionnant puérilement au respect des mesures barrières par les manifestants, relevant ainsi plus de la peur de l’émeute que de faire triompher les libertés fondamentales, alors même que les mesures drastiques pesaient encore sur le simple citoyen à peine d’amende.
Ces exemples topiques permettent de s’interroger non seulement sur l’efficacité du contrôle du juge administratif mais également sur les choix de l’exécutif qui paraissent très largement discutables.
3) L’article 16 de la Constitution
Dans l’hypothèse où les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire ou l’engagement des traités internationaux sont menacés de manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures nécessaires au titre de l’article 16.
Le Président de la République consulte le Premier ministre, le Président des Assemblées ainsi que le Président du Conseil constitutionnel.
La Nation est informée par message.
Le Parlement se réunit sans aucun pouvoir, mais ne peut être dissout.
Le Président de la République prend alors toute mesure utile pour établir la normalité républicaine.
Ces mesures ne connaissent pas de limites et font l’objet d’un avis officieux du Conseil constitutionnel.
Une fois qu’il est mis fin à l’article 16, ces mesures pourront être contrôlées par le Conseil d’État.
30 jours après la mise en œuvre de l’article 16, le Conseil constitutionnel s’exprime sur la nécessité de faire perdurer un tel régime d’exception sans que son avis soit contraignant juridiquement.
Étant précisé qu’il n’existe, et nous le déplorons, aucune limite temporelle dans la constitution.
L’application de l’article 16 aurait-elle été pertinente dans la crise que nous traversons ?
Nul ne le sait, certains auraient crié au putsch, d’autres auraient salué le leadership d’Emanuel Macron et son courage politique.
Une telle posture aurait pu permettre de replacer le Président de la Republique en vrai Chef de la Nation, seul auteur des mesures prises, mais aussi seul responsable vis-à-vis du peuple français qui l’a élu.
Nous aurions peut-être aussi pu éviter la triste cacophonie gouvernementale, donnant le sentiment aux Français que le navire est à la dérive avec un capitaine spectateur impuissant soumis à l’influence des comités que d’aucuns qualifient à Marseille de Theodule.
En conclusion, à l’aune de ces différents instruments, nous ne pouvons que nous réjouir de la flexibilité de notre Constitution qui demeure parfaitement adaptée à notre époque.
En revanche, il relève de la seule responsabilité politique, de la clairvoyance et du courage de l’exécutif de choisir la stratégie la plus efficiente en période de crise. Un talent que la Constitution ne peut conférer.
01/10/2020