[Groupe K2] Gestion de crise - Note de synthèse et Rapport complet
06/04/2022 - 31 min. de lecture
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Dominique Bellos est CEO & Founder chez Dominique Bellos Consulting SAS ; Kamel Adrouche, Secrétariat, Conseil d'Administration RATP ; Jean-Baptiste Aricat, Chargé de mission et chargé de communication à la Direction Générale de la Gendarmerie nationale ; Corinne Chartrelle, Expert Police Nationale projets européens - Commandant divisionnaire fonctionnel de Police. Ancien Chef adjoint de l’Office Central de Lutte contre le Trafic des Biens Culturels (O.C.B.C.); Célimène Daudet Pianiste ; Vincent Laforge Praticien Hospitalier à l'Hôpital de la Conception Marseille ; Ange Loustalot Chargé de mission; Marilise Miquel, Avocate ; Thierry Marchand Expert en management global des risques & Dirigeant fondateur de Caliste SAS ; Mélody Pellissier, Vice-Présidente du Cercle K2 ; Samson Perthuisot Chargé de mission ; Claire Pouzenc Avocate ; Fabien Siguier Vice-Président Exécutif Ressources Humaines et Transformation au sein du Groupe Adisseo.
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Introduction générale
Lorsqu’on envisage le thème de la crise, quel que soit le domaine abordé (public, privé, etc.), la première des questions porte sur la définition même du phénomène. Outre qu’il est souvent galvaudé dans son utilisation "profane", il n’est pas rare, de confondre CRISE et URGENCE. Si les deux situations partagent la notion de criticité, l’urgence se caractérise par un risque immédiat de préjudice grave. Toutefois, si l’organisation réagit efficacement face à la menace, alors l’urgence, pour grave qu’elle soit, ne constitue pas une crise.
Par conséquent, une situation constitue une crise dès lors que l’organisation ne réagit pas de façon à apporter la ou les réponses permettant de mettre fin à la situation qui la frappe et qui peut lui porter un préjudice.
Nous pouvons en différencier deux types :
- Les situations d’origines connues qui ont été anticipées ou qui auraient dû l’être (par le Risk-Management par exemple), mais dont la gestion a été sinon absente du moins défaillante. La crise se définit alors comme la phase ultime d’une suite de dysfonctionnements internes dans l’organisation ou des conséquences de son impréparation.
- Les situations qui, raisonnablement, sont très difficiles, voire impossibles à prédire. La crise est alors la phase où l’organisation peut se retrouver frappée d’incapacité face à une situation inédite et brutale, d’origine extérieure. Le maître mot est ici "imprévisibilité".
Notons cependant que, quelle que soit sa nature, la crise met en péril la réputation et la stabilité de l’organisation jusqu’à potentiellement causer sa perte.
On retrouve bien cette notion dans la définition proposée sur le site gouvernement.fr : "une crise est une rupture dans le fonctionnement normal d’une organisation ou de la société, résultant d’un événement brutal et soudain, qui porte une menace grave sur leur stabilité voire sur leur existence-même. En raison de son caractère brutal et soudain, l’élément déclencheur appelle une réaction urgente".
Cette définition nous permet également d’avancer l’hypothèse qu’une crise qui dure plusieurs années, et dans tous les cas un temps long, ne peut plus être qualifiée de crise. C’est alors un nouvel état de gestion. Si la Covid a été une crise à l’origine, un an après, c’est un nouvel élément de contexte à prendre en compte.
Gérer les situations dont la probabilité était assez forte pour que l'on ait eu le temps d'y réfléchir préalablement et de s'y préparer sérieusement suppose d’avoir la capacité d’anticiper et ainsi :
- de disposer d’une structure permettant de déceler les signaux faibles indiquant le passage de la probabilité à la certitude ;
- d’avoir élaboré des plans de réponses structurés ;
- d’être entraîné au travers d’exercices réguliers.
Les mises en situation permettent ainsi d’élever le niveau de réactivité en validant l’efficacité des procédures de management et en renforçant le degré de préparation de l’organisation.
L’utilisation d’autres outils, tels la cartographie des risques ou l’analyse prospective, peut permettre d’élargir l’identification des risques probables et donc se préparer à un plus grand nombre de scénarios. La prospective permet de projeter une organisation ou des individus dans différents scénarios d’évolution du monde en forte rupture avec le monde actuel, sur un horizon à 20 ans. Cette pratique de la prospective est soit conduite en interne des organisations, soit en format expédition interentreprises pour élargir les points de vue et les scénarios, notamment au sein du Club Open Prospective, ou encore au Ministère de la Défense qui fait appel à la Red Team.
C’est tout l’inverse concernant les situations imprévisibles : on ne peut passer son temps à identifier toutes les menaces possibles, mais il n’est pas non plus acceptable d’être frappé d’incapacité en cas de crise déclarée.
Pour faire face efficacement et rapidement – car le décideur doit agir sous la surveillance parfois pesante de tierces parties (actionnaires, représentants du personnel, clients pour les entreprises privées, politiques et opinion publique pour les autorités, médias pour tous, etc.) – il faut toujours, malgré les pressions et le stress, prendre le recul nécessaire et réfléchir. Le premier réflexe est souvent d'agir très vite, ce qui est une erreur. Il faut se donner du temps pour être certain d'avoir bien compris les différentes composantes de la situation, savoir précisément le résultat que l'on veut obtenir et comment l’atteindre.
Force est toutefois de constater que ce n’est pas toujours le cas. La cellule de veille, lorsqu’elle existe, est souvent orientée "business". Les exercices ne sont pratiquement jamais réalisés pour des motifs divers, manque de temps, de moyens, etc.
En conséquence, on constate une impréparation chronique, la défaillance des méthodes et moyens censés permettre la gestion des incidents et des situations exceptionnelles, qui de fait se transforment alors en crise. On déplore ainsi souvent un manque certain de culture d'anticipation. Celle-ci ne devrait pourtant pas faire défaut car toute approximation dans l'évaluation des menaces prévisibles devrait être proscrite. Il s’agit en effet d’un acte de gestion stratégique dont l’objectif essentiel consiste à protéger le cœur même du métier ou de l’activité de l’organisation, qu’elle soit publique ou privée.
Les perturbations majeures et permanentes qui impactent les entreprises ne sont pas des crises mais un nouveau contexte devenu réel, annoncé depuis longtemps (1987 – Monde VUCA). Le développement des capacités humaines pour gérer les crises est un axe complémentaire aux méthodes et moyens. Dans ce domaine, la connaissance de soi comme point d'ancrage et l'équilibre corps / esprit pour réduire la tension ressentie sont les deux piliers d'un dirigeant efficace qui décide et s'adapte en permanence. L’apport des neurosciences à la capacité humaine en gestion de crise est fondamental.
Le mot "crise", en grec, signifie "décision", "jugement", et renvoie à l’idée d’un moment charnière où "ça doit se décider". Ainsi, quel que soit le concept envisagé, il apparait que la différence entre une situation bien gérée et une crise qui s’enlise réside souvent dans la capacité de l’organisation à prendre des décisions cohérentes et pertinentes, ou parfois même simplement de décider…
La décision à la source de la gestion de crise
Aujourd’hui, les entreprises, confrontées à des perturbations majeures, sont sous tension permanente. La plupart des managers doivent gérer au quotidien la pression d’une situation sanitaire complexe, dans un contexte économique inédit et un degré d’incertitude maximal.
Il est pourtant essentiel que les bonnes décisions soient prises rapidement afin d’apporter les réponses les plus pertinentes, voire rassurantes, en situation de stress.
Pourtant, personne ne nait avec la capacité de fonctionner efficacement sous pression. Ce n’est pas inné. Acquérir cette compétence au travers de techniques éprouvées et de solutions spécifiques devient un enjeu majeur.
Pourtant, la gestion d’une entreprise en situation courante et en situation exceptionnelle, voire de crise, ne paraît pas comporter au premier abord de différences sensibles.
Le processus de management s’appuie toujours sur 4 organes d’importances variables mais complémentaires : l’organe assurant la collecte et l’analyse des informations (la veille stratégique), l’organe de décision (la gouvernance quelle que soit sa forme), l’organe opérationnel en charge de son déploiement et l’organe de contrôle qui évalue le résultat des décisions mais également la méthode appliquée.
Ainsi, nous pourrions partir du principe qu’alimentés par de bonnes informations et renforcés par des analyses pertinentes, les dirigeants vont prendre des décisions rationnelles qui n’auront plus qu’à être efficacement mises en œuvre – quelle que soit la situation, "normale" ou "exceptionnelle" – l’expérience démontrant que ce n’est pas toujours le cas.
"Le plus dur, c’est de prendre des décisions quand un tiers des informations dont vous disposez sont incomplètes, un tiers sont contradictoires et un tiers sont fausses". Reconnaissons à Sir Winston Churchill un génie certain pour la punch line, notamment ici, pour définir en une phrase, l’enjeu de l’information dans le processus de décision.
En clair, pour que l’information soit un outil d’aide à la décision solide, elle doit être à la fois exhaustive, cohérente et correspondre à la réalité.
De la même façon, l’industrie japonaise automobile a défini une norme d’efficience industrielle appelée Kaizen. Un des points de cette méthode rappelle qu’il faut privilégier une décision efficace et rapide sur 70 % de données plutôt que d’attendre d’en connaître 100 % pour commencer à agir. Cette même approche prône l’action basée sur des faits réels : "Gen-ba / Gen-butsu / Gen-jitsu" qui signifie "lieu réel, condition réelle, fait réel". Les réactions et mesures correctives ne peuvent être efficaces que si elles sont issues d’une observation de la réalité.
Il ne faut pas prendre la recherche d’exhaustivité comme l’objectif de recueillir toutes les informations existantes sur un sujet donné, mais s’assurer que les informations sourcées contiennent tous les éléments nécessaires et pertinents relatifs au sujet. Aujourd’hui, force est de constater que les outils logiques proposés valorisent surtout le nombre de sources, le nombre de mots-clés, etc., d’autant plus que la multiplication des informations, d’une part, rassure les décideurs face à la pression et, d’autre part, rend plus difficile de remplir les deux autres critères.
Le risque de prendre en considération des informations fausses, erronées, voire simplement caduques, est effectivement central. S’il est toujours possible de ne pas prendre une bonne décision en se basant sur des informations vraies, une résolution sera automatiquement mauvaise dans le cas contraire. Il est donc nécessaire de mettre en place des procédures et méthodes de vérification des sources.
Dépasser les contradictions est sans doute la problématique la plus compliquée depuis que nous sommes submergés de flux informationnels constants. Pour ma part, j’ai tendance à penser que les contradictions ne sont souvent qu’apparentes, soit parce que l’analyse n’est pas assez approfondie pour déceler la cohérence derrière des éléments apparemment contradictoires, soit parce que les contradictions relèvent de l’erreur d’analyse.
Nous devons donc bien nous inscrire dans une démarche de qualité et non de quantité : "trop d’infos tue l’info". Dans tous les cas, et malgré l’évolution des outils de veille, il apparait qu’en plaçant ou replaçant l’humain au centre de l’analyse et l’exploitation, on peut lutter efficacement contre les conséquences liées à l’utilisation d‘informations non ou peu pertinentes.
En situation de crise, évidemment, cette problématique est d’autant plus sensible. Toutefois, elle n’échappe pas au fonctionnement normal de l’organisation.
La mission principale d’un dirigeant est, quoi qu’on en dise, de prendre des décisions stratégiques efficaces. Être un "bon décideur, en somme. Bon gestionnaire et bon manager également bien sûr. Notamment pour mobiliser ses équipes, les ressources nécessaires et réussir le déploiement des actions en découlant et en contrôler les effets". Pour conclure, le célèbre homme d’état aurait pu ajouter une condition à sa citation, celle de la nécessité d’avoir de l’information pour décider, donc d’être en capacité d’en recueillir. Nous serions étonnés de voir le nombre d’entreprises qui n’ont développé aucun système d’informations ou qui ignorent en avoir. Il aurait également pu s’arrêter après seulement ces quelques mots : "le plus dur, c’est de prendre des décisions", car décider ou pas dépend souvent de celui qui est en position de le faire, de la capacité du décideur à en assumer les conséquences. Pourtant, la gestion de l’information est stratégique afin que la structure se connaisse, maîtrise son environnement et anticipe les évolutions à venir. Connaître n’est pas simplement disposer de quelques informations captées par hasard ou au travers de voies non structurées. Il s’agit de créer un véritable système d’informations qui, au-delà de recueillir les données, les vérifie et apporte une analyse permettant d’en faire des éléments de connaissance stratégiques.
Ce choix volontariste ne nécessite pas forcément la mobilisation de ressources supplémentaires. En effet, chaque organe de l’organisation recueille des informations et apporte des analyses pertinentes (sinon, il convient de s’interroger sur la compétence des responsables, ce qui est un autre problème !). Le dirigeant / décideur doit donc créer les conditions du recueil, de l’analyse, de la diffusion et de l’exploitation de ces véritables actifs immatériels. C’est à la gouvernance, en tant que chef d’orchestre, que revient de savoir créer la synthèse pour transformer ces éléments disparates en véritable instruments décisionnels.
En situation de gestion courante, les décisions prises sont très majoritairement rationnelles, à défaut d’être toujours justes et efficaces. Pour ce faire, la gouvernance peut en effet s’appuyer sur sa formation, compter sur son expérience et disposer d’un délai suffisant pour faire sereinement ses choix. S’ils sont erronés, c’est dans la plupart des cas, à cause d’une analyse défaillante bien que rationnelle.
En période de tension extrême, en situation de crise, les conditions sont totalement différentes (enjeux cruciaux, examens minutieux du comportement par les parties prenantes, attentes élevées et conséquences définitives). Dès lors, sous les effets du stress, le doute s’installe, la tendance à l'indécision se renforce et notre représentation du monde supplante le réel, perturbant profondément la capacité d’analyse et, par voie de conséquence, le processus décisionnel. Tout est enjeu et nous devons faire le "job" du mieux possible. Mais se tromper ou ne pas agir ne sont tout simplement pas des options. C’est là que survient la pression.
Ainsi, on voit bien l'importance du comportement de celui qui décide en dernier ressort. Il doit au fond ne pas se laisser enfermer dans une conception solitaire de l'autorité, mais, au contraire, faire œuvre commune et préparer sa décision par un travail collectif. Si la décision est solitaire, sa construction est solidaire. À cet égard, la pratique est aussi importante que le tempérament.
D’aucuns pensent que "le chef doit être craint" : une conception peut être obsolète pour le manager d’aujourd’hui. Respecté, sûrement. Mais plus que la crainte, c'est l'adhésion de son équipe qu'il doit susciter. Ceci revêt une très grande importance dans l'action quotidienne mais plus encore en situation de crise. Cela passe principalement par la reconnaissance et l’expression de l’importance et de la compétence de chacun des collaborateurs. Ainsi reconnus, ils n’auront aucun frein à l’expression d'apports souvent décisifs dans l'élaboration de la bonne solution.
Le décideur au cœur du processus décisionnel
La capacité à faire face en gardant l’esprit clair et efficace doit relever d’une préparation quasi mentale s’appuyant sur une formation et des entraînements solides, au plus proche "du réel". Toutefois, si garder sa capacité de réflexion et d’action en situation de stress est nécessaire à une prise de décision efficace, elle n’est pas suffisante. Il faut également que le décideur évite de s’isoler et évite la posture de l’homme providentiel réfléchissant seul et assénant ses ordres du haut de sa tour d’ivoire. Si la décision en tant que telle est un acte individuel du dirigeant, elle doit découler d’un travail d’analyse et d’une réflexion collective.
Force est toutefois de constater que ce n’est pas toujours le cas et développer un dispositif de management des crises est complexe tant les contraintes sont fortes (enjeux cruciaux, examen minutieux du comportement par les parties prenantes, attentes élevées et conséquences définitives).
De nombreuses pistes ont été explorées afin de développer ou d’acquérir cette compétence si particulière consistant à conserver sa pleine capacité de décision en situation de crise. Mais rares sont celles qui envisagent la question sous l’angle individuel autant que collectif.
L’une d’entre elles vient du sport de haut niveau. Elle a été mise en évidence par l'entraîneur de rugby anglais Clive Woodward lors de la campagne réussie de la Coupe du monde 2003.
L’objectif ? favoriser une prise de décision efficace et la capacité à la mettre en œuvre au bon moment.
La méthode ? Développer les pensées constructives.
Le concept ? le T-CUP, acronyme de "Thinking Correctly Under Pressure".
Le principe ? Sous pression, les pensées négatives ou polluantes s’imposent et viennent limiter durablement et profondément la capacité à faire des choix adaptés. Il est donc nécessaire de laisser émerger des pensées plutôt constructives. Se pose alors la question de savoir comment favoriser leur émergence en temps utiles, alors que c’est assez contre-intuitif puisque :
- il n'y a pas de relation causale entre une pensée et une décision ;
- il est impossible de contrôler ses pensées, leur qualité et le moment où elles surviennent ;
- on ne sait pas comment et pourquoi elles se forment.
À noter que ce constat tend à disqualifier toutes les techniques visant à "maîtriser" ses pensées.
La solution ? Ne pas tenter de contrôler les pensées mais plutôt en connaître la nature, au travers de sa propre expérience, puis de mettre en lumière les "croyances" qui les génèrent pour les éliminer ou les transformer.
Une pensée est une phrase écrite par le cerveau proposant une fausse représentation de la réalité. Une croyance est le résultat du processus mental consistant à considérer comme une vérité une thèse indépendamment des faits ou en l’absence même de faits.
Individuellement, un manager estimera qu’il faut être expert dans son domaine pour pouvoir s’engager. En conséquence, s’il ne se considère pas comme tel, il se sentira illégitime pour le faire. Collectivement, un comité de direction peut avoir développé la croyance commune que l’entreprise est prête pour affronter telle ou telle situation. Il n’aura alors aucune velléité à mettre en œuvre une mesure spécifique, même si elle était prévue.
Bien que la production de la pensée soit aléatoire, elle survient généralement dans une situation influencée par nos croyances et sur ce qui nous semble vrai à ce moment-là. Nos croyances, souvent plus négatives que constructives, ont tendance à augmenter le stress et à biaiser notre perception du vrai. Quel que soit le niveau réel d’informations dont nous disposons, cela entraîne une diminution plus ou moins grande de la capacité à prendre la bonne décision. Connaître ses croyances afin de les "sortir" de l’équation ou de maîtriser leur effet distordant permettra de diminuer l’anxiété, de maintenir le potentiel d’analyse et donc renforcer la capacité de jugement.
En résumé, moins nous aurons de croyances (ou mieux nous les connaîtrons), plus nous diminuerons la part d’incertitude dans nos décisions.
Cette notion de croyance, bien connue du développement personnel et du coaching, n’est pas absente dans l’entreprise en tant que groupe de personnes ou dans un comité de direction. Dans un environnement incertain et générateur de pression (telle qu’une crise), son impact peut être dévastateur.
Par cette méthode, le T-CUP vise à réduire cette pression perçue et à améliorer la capacité de prise de décision des individus. Cela permet également des performances constantes en supprimant les aléas provoqués par une mauvaise prise de décision.
Réagir correctement sous pression nécessite une solide préparation basée sur un travail de fond appliqué dans le fonctionnement profond de la structure et des personnes qui la compose.
L’une des solutions est de s’appuyer sur la capacité aujourd’hui démontrée du cerveau à accepter de nouvelles pensées et à s’adapter aux circonstances. On peut ainsi l’exercer à analyser son propre comportement afin de développer de nouvelles formes de réponse.
Il est ainsi possible au travers d’un tableau (intégrant les circonstances, les pensées générées, les émotions qui en résultent, les actions qui en découlent et enfin les résultats obtenus) d’évaluer les écarts et identifier les (croyances) causes, puis de concevoir les pensées constructives nécessaires à la modification du processus.
Si cette méthode n’apprend pas à proprement parler à prendre les bonnes décisions, elle permet de se mettre en situation de pouvoir les prendre. Elle peut toutefois montrer ses limites dès lors que la situation en plus d’être critique se double d’une contrainte en termes d’urgence, d’immédiateté.
En réduisant drastiquement le temps de réaction possible, la contrainte temporelle va venir perturber le processus de "pensée correcte" en renforçant à nouveau le niveau de stress et d’anxiété.
Le cerveau est composé de trois parties : l'instinct, l'émotion et la pensée. En cas d’urgence immédiate, il arrive souvent que la pensée s’arrête ou déborde de négativité. S’installe alors un cercle vicieux où instinct et émotion réduisent la capacité à saisir les indices et les informations et donc la capacité à prendre de bonnes décisions. C’est l’effet de sidération. On ne pense plus "correctement". Il est donc nécessaire sortir de ce cercle vicieux pour réussir à penser clairement avant de pouvoir penser correctement dans une situation d’urgence immédiate.
En résumé, si vous pensez clairement et que votre attention est pleinement engagée, vous prendrez vos meilleures décisions. C’est tout l'inverse lorsque vous êtes distrait et que vous ressentez des pensées intrusives, qui peuvent se manifester par du stress, de la frustration et de la colère.
C’est situation courante dans le sport de haut niveau, à laquelle s’ajoute également la fatigue physique parfois extrême, voire la douleur. Pour y faire face, le préparateur mental des All Blacks, Gilbert Enoka, a complété l’approche de Woodward en s’attachant à aider ses joueurs à garder les idées claires pour leur permettre de réfléchir correctement, quel que soit le niveau de stress : un T-cup (Clearly) préalable au T-cup (Correctly). Pour ce faire, il a développé un certain nombre de techniques permettant de se recentrer, de se reconnecter à son cerveau dès que cet état est identifié.
La technique la plus simple est d’anticiper au maximum ses propres réactions. L’objectif n’est pas de chercher à éviter à tout prix de se retrouver en situation de sidération (on ne peut pas maîtriser ses pensées), mais d’avoir prévu une "action type" à appliquer dès qu’on se sent "bloqué". Certains joueurs vont relacer leurs souliers, d’autres s’asperger le visage d’eau, d’autres enfin fixer un point lointain. Une seule bonne solution : celle qui fonctionne.
Il en est de même en groupe. L’effet de sidération peut saisir toute une équipe en même temps. La sidération d’un joueur clé peut aussi se transmettre à ses coéquipiers. Là encore, il s’agira de définir ce qui peut être fait, collectivement, pour réussir à se recentrer sur l’objectif : prendre les bonnes décisions, celles fondées sur l’analyse et/ou le plan prévu préalablement.
La communication de crise, oui, mais…
Face à la crise, on retrouve constamment les mêmes mauvais réflexes de la part des décideurs qu’ils soient publics (administration, ministère) ou privés (entreprise, personnalité) en raison d’une déstabilisation émotionnelle brutale. Ce "choc" cause la perte de moyens malgré l’expérience et une habituelle maîtrise, compromet une gestion de crise efficace mais surtout favorise les erreurs et les fautes de communication.
La principale faute est "le déni". En effet, quel que soit le niveau de compétence, c’est souvent la première, et souvent durable, réaction face à la crise. Il est majeur de lutter contre ce sentiment et de donner à une situation l’importance qui est la sienne. Ni plus, ni moins.
Trois règles d’or doivent donc être strictement appliquées :
- Ne pas nier la crise.
- Ne jamais mentir, mais ne pas toujours dire toute la vérité.
- Faire preuve d’empathie en cas de problème.
La seconde, non des moindres, est de considérer la communication comme l’unique outil de gestion de crise valable alors qu’il n’en est qu’un instrument, voire qu’un simple support.
La troisième est de ne pas prendre en compte l’évolution des canaux de diffusion de la crise causée par la nécessité absolue pour les journalistes (de moins en moins formés) de "garder l’antenne" et l’explosion des vecteurs de communication individuels et viraux que sont les réseaux sociaux et autres influenceurs.
Face à cela, il convient d’éviter de "mourir guéri" ou de devoir capituler avant même d’avoir pu "combattre" dans un environnement international globalisé où l’opinion n’aura pas la même réaction ici que là-bas ou qu’ailleurs encore.
La quatrième est de négliger le développement de la judiciarisation des situations, avec, en corollaire, le décalage de plus en plus pénalisant entre le temps médiatique et le temps judiciaire.
Ainsi, des propos efficaces sur le plan de la communication peuvent se révéler dramatiques sur le plan juridique (reconnaître un fait se transforme en reconnaître une responsabilité).
Pour éviter d’arriver à cette extrémité, la méthode à développer doit savoir s’adapter et répondre correctement aux attaques de la dictature de l’opinion qui agit comme un tribunal populaire jugeant avant toute investigation, condamnant sans attendre aucune réaction et réagissant de façon totalement imprévisible, donc impossible à anticiper.
La première étape consiste à identifier les sources potentielles de crise. Cela s’effectue au travers d’une réunion dite "de confiance" avec l’ensemble des protagonistes. Elle vise à répondre aux questions "qu’est-ce qui vous empêche de dormir ?" ou "quelle situation pourrait être la pire pour vous ?". Les réponses sont toutes valables et peuvent même relever de l’intime.
La deuxième étape doit permettre de préparer les éléments de langage correspondant à chaque situation identifiée afin d’avoir une réelle capacité de réponse car l’incident ou la révélation ne pourra rester indéfiniment confidentielle.
La troisième étape est de mettre en place une structure rapidement mobilisable si un collaborateur ou tout membre de l’équipe souhaite faire part d’une inquiétude, quel que soit le sujet. L’idée, la plupart du temps, est de permettre de vérifier le bien-fondé de la réflexion et les actions qui ont peut-être déjà été menées. Il ne faut en aucun cas critiquer ou dévaluer la personne qui aurait fait part d’une inquiétude sans fondement au risque de "refroidir" toute volonté de partage.
En cas de survenance d’une crise, la réaction à avoir en priorité est "STOP AND THINK", quitte à déplacer ou annuler une réunion, à mettre en suspend une décision ou une action.
Au final, il convient également de bien garder en tête que, si une crise mal gérée ne sera jamais sauvée par la communication, aussi bonne soit-elle, une communication mal maîtrisée peut durablement et définitivement compromettre la réussite de toutes les mesures de traitement déployées
La communication de crise ne peut être efficace que si l’ensemble des acteurs concernés, directement ou indirectement, sont formés et accompagnés avant, pendant et après la crise. En effet, cette communication répond de plus en plus à des protocoles devenus la norme dans nos sociétés (communiqués de presse, interviews à la télévision, usage accru des réseaux sociaux comme Twitter, etc.).
Cette communication s’appuie sur des moyens et outils de plus en plus puissants en terme d’audience, rapides en terme de diffusion de l’information en instantanée. Cela nécessite des connaissances solides sur leurs usages afin que la communication envers la cible soit optimale. De ce fait, les acteurs de la gestion de crise doivent se former, connaître, s’exercer, puis s’approprier l’ensemble des outils et moyens de communication qui les mettent en contact direct avec les personnes concernés par la situation (la cible), qui peuvent le plus souvent accroître les conséquences négatives de la crise en cours (une sur-crise).
L’on peut répertorier quatre composantes amenées à s’exprimer en temps de crise :
- Les cadres / dirigeants : premiers interlocuteurs médiatiques, ils incarnent physiquement et moralement la structure qu’ils représentent et sont amenés à prendre des décisions au quotidien. Afin de les aider au mieux, il convient pour ces personnes de suivre des formations comme des media-training dans le but de répondre "à chaud" et "à froid" aux sollicitations des médias et d’être en mesure d’agir en circonstance avec mesure.
- Les membres de la cellule communication de la cellule de crise : les personnels constituant la cellule de communication ont pour rôle essentiel de suivre, alimenter et proposer aux cadres / dirigeants et à la direction de la communication des éléments communicationnels (éléments de langage notamment). Avant que la cellule de crise soit activée, il convient pour ces personnes d’établir un relationnel au préalable (connaissance des hardskills et softskills, répartition des missions et périmètres de travail), l’enjeu étant d’éviter des situations anxiogènes – propres à la cellule de crise – pouvant compliquer les tâches déjà complexes, qui incombent à chacun des personnels. Dès lors, ils doivent régulièrement suivre des formations (simulations). Cela va de même pour leurs remplaçants.
- La direction de la communication : la direction de la communication est en première ligne car elle traite avec l’extérieur (communication institutionnelle : cible, public, médias) et en interne (communication interne : salariés). En ce qui concerne l’externe, elle doit répondre aux sollicitations des médias. La direction doit comprendre les contraintes des journalistes, connaître les différents types de médias et ses interlocuteurs en "temps normal" afin d’être crédible, ce qui lui permettra d’être audible et réactive en temps de crise. Il serait intéressant d’ajouter à cela les influenceurs / associations qui, avec leurs communautés, sont un relais efficace pour atteindre la cible recherchée. Quant à l’interne, il est primordial de fournir des éléments d’éclairage sur la crise aux salariés afin qu’ils soient informés et rassurés. Ainsi, la direction assure un maintien et un contrôle de sa communication vis-à-vis des médias. Afin que cette direction soit à l’aise, les agents qui la composent doivent suivre des formations afin d’être à jour régulièrement, mais aussi être dotés de compétences spécifiques nécessaire à leurs missions.
- Les salariés et les autres parties prenantes internes : premiers concernés lors d’une crise, les salariés véhiculent les valeurs de l’entreprise au quotidien. Ils peuvent être un relais de la communication de l’entreprise auprès de leurs proches mais aussi des médias. En étant informés au quotidien de la vie de l’entreprise, ils sont en mesure de défendre (si nécessaire) les actions mises en place par leur employeur. De plus, ils sont eux-mêmes rassurés, ce qui permettra dans la mesure du possible d’éviter les manifestations syndicales, démobilisations et pertes de confiance en l’entreprise. Les salariés doivent donc être tenus informés de la vie de l’entreprise. Cela passe par des newsletters, des événements communs, etc.
Il en est de même pour les autres parties prenantes. Associés, actionnaires, voire les sous-traitants les plus intégrés, sont également très concernés et pourraient, par leur actions et communication, servir la cause ou, dans le cas contraire, la desservir par des prises de parole non coordonnées.
De manière globale, la gestion de la crise se trouve de plus en plus perturbée par les fake news et la désinformation, avec pour conséquence un effet déstabilisant, voire de complexification de la situation. Chacune des composantes de l’organisation touchées par la crise doit donc être sensibilisée et formée aux conduites à tenir dans la tempête.
Cela passe par l’acquisition des réflexes permettant la détection et la remontée des signaux faibles pouvant fragiliser la gestion de la crise en général, la communication en particulier.
(schéma)
Cette organisation, qui distingue cadre dirigeant et cellule de crise, est la seule qui permettra une gestion professionnelle de la crise, protégeant la cellule de crise des interventions permanentes des dirigeants. Cette organisation reste théorique dans de nombreuses organisations, le réflexe de nombreux dirigeants étant de se positionner dans la cellule de crise pour répondre à leur quête de légitimité, besoin d’en connaître sur tout et tout le temps pour décider, sentiment d’utilité, démonstration d’exemplarité. Il est du devoir des organes de gouvernance en période hors crise de rappeler que la présence des dirigeants dans les cellules de crise inhibe le travail de la cellule, des experts et des sachants, déresponsabilise les véritables acteurs terrain, et empêche le dirigeant de décider à son niveau, et avec une prise de recul et de considération de l’environnement et des parties prenantes. Il y a ici un fort enjeu d’éducation et de connaissance pour les dirigeants autour de leur mission et positionnement lors d’une crise.
Gérer la crise, c’est anticiper nécessairement les risques !
Comme l’indiquait à différentes reprises dans ses conférences à l’IHEDN, Jean-Michel Icard, "regardez comme quelque chose d’onéreux, non seulement ce qu’il vous en coute, mais ce qu’il vous en coutera pour ne pas être protégé" (Demosthene), de même que le Code civil relatif aux contrats de société qui précise qu’une société est faite en vue de partager un bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter. Cela signifie que la crise a un coût considérable à tous niveaux (humain, financier, réputationnel, etc.) et qu’à la différence d’une situation difficile, après une crise, on ne revient jamais au statu quo ante.
C’est pourquoi Jean-Michel Icard insiste à chaque fois sur la nécessité impérieuse d’anticiper les crises avant qu’il ne soit trop tard. Or, l’expérience prouve que la fonction anticipation, et donc du renseignement, est très largement sous développée en France malgré le Livre blanc de 2008 qui avait défini l’anticipation comme étant "un mouvement de la pensée qui imagine ou vit d’avance un évènement. L’anticipation stratégique se définit comme un idéal à atteindre, un objectif dans lequel l’incertitude serait réduite et les grandes évolutions connues à l’avance". Ce déficit majeur en France de l’anticipation et donc du renseignement s’est encore révélé lors de la crise de la Covid 19. On peut également penser, comme l’avait indiqué en son temps d’autres spécialistes tel que Philippe Baumard, que la France pêche par un défaut majeur et structurel de pensée stratégique. Or, comme se plait encore une fois à le rappeler Jean-Michel Icard : "il n’y a pas de vent favorable pour qui ne sait où aller" (Seneque).
Au lieu d’agir au temps N-1 par le renseignement aux fins d’anticipation, en France notamment, pays de droit écrit, dont la culture est à l’exemple du droit pénal le "flagrant délit", on attend la réalisation de l’infraction et du dommage, puis sa résolution alors même que, bien souvent, il était possible de l’anticiper.
À ce titre, on est frappé, comme l’a souvent indiqué Jean-Michel Icard, du nombre de commissions d’enquêtes qui ont pu se pencher sur toute une série invraisemblable de situations "crisogènes" à la suite de dysfonctionnements non seulement dans l’anticipation, mais également dans des mesures de prévention souvent minimalistes et dans la gestion proprement dite de la crise par des mesures insensées et bureaucratiques. Ce vide intellectuel, cette bureaucratie inepte dans la gestion de la crise, l’absence de tout retex (retour d’expérience), phénomène bien français, l’absence de tout exercice préalable, un déficit historique dans la coordination dont la France semble s’en amuser, lorsqu’on emploie les vocables "une exception à la française", "un pays de gaulois" où chacun, chaque administration, chaque service public n’en fait qu’à sa tête sans aucune coordination, ne peut à l’évidence que conduire à des catastrophes.
Tout ceci amène un grand désordre tout aussi bien stratégique qu’opératif. Aucune pensée stratégique, aucune stratégie d’anticipation, et donc de renseignement, couplée à une conduite opérationnelle désordonnée, ne peut conduire qu’à une très grande défaillance et donc à des commissions d’enquêtes, voire comme on l’a vu pendant la Covid à une multiplicité de plaintes pénales.
Nous retrouvons également cette carence de l’anticipation de la crise, et souvent dans notre pays, dans l’anticipation de la sortie de crise, elle-même révélatrice de graves dysfonctionnements.
La gestion de crise, un marché lucratif
Si on définit l’anticipation comme une production intellectuelle, difficile à matérialiser, donc à commercialiser, la gestion de crise, quant à elle, permet de vendre à la fois des formations, des prestations mais aussi du matériel. De ce fait, anticiper la crise revient à concurrencer la gestion de crise. Il suffit de renseigner le moteur de recherche d’un navigateur internet par les termes "gestion de crise" pour constater une prolifération de formations : Master 2 en Gestion de crise, séminaire de Gestion de crise pour RH, sensibilisation des élus par des personnels chargés de missions de sécurité (stage pour RH ou élus par les personnels du RAID ou autres unités d’élite). Toutes ces formations génèrent des profits et ont donc intérêt à être maintenues alors que l’anticipation n’est avant tout que fruit d’un travail intellectuel.
Conclusion
Aujourd’hui, toute organisation doit non pas se demander si elle risque de devoir faire face à une crise, mais quand elle devra y faire face et quelle en sera la cause.
C’est aujourd’hui la principale difficulté : développer la capacité de réaction au travers d’un dispositif de gestion de crise et des schémas établis à l’avance. Les dirigeants des entreprises qui sont touchées par les crises n’ont peut-être pas porté suffisamment attention aux signaux faibles ou mis en place le dispositif de gestion des crises idoines.
On a l’habitude d’entendre : "à entraînement difficile, match facile". Il est sans doute plus juste de dire : "à entrainement solide et individualisé, match maîtrisé". Dans cet esprit, la normalisation et la formation sont impératives pour réduire la complexité de la prise de décision et limiter l’incertitude générée par les situations de stress. Il est ainsi important d’élaborer des procédures simples mais complètes et d’exercer les équipes, quel que soit le positionnement hiérarchique de leurs membres, à leur mise en œuvre. Cette phase doit idéalement être précédée par une évaluation du degré de maturité de l’organisation, de l’efficacité des structures et du fonctionnement des organes.
La clé est la planification, la préparation, l’entraînement et le débriefing continu. En considérant diverses situations et en exposant les individus à une gamme de scénarios, d'environnements et d'expériences réalistes et solides, nous pouvons élever le niveau de résistance de l’organisation, diminuer la sensibilité des acteurs à la pression apparente et donc améliorer la capacité de prise de décision intelligente et renforcer la qualité de la mise en œuvre.
Si le dirigeant délègue et encourage, il faut que les acteurs soient également prêts à recevoir cette délégation, souvent réclamée mais rarement acceptée ensuite. Une préparation des acteurs à cette responsabilité en gestion de crise semble donc complémentaire à une démarche de délégation.
Si, quel que soit le type de crise auquel nous devons nous préparer, la formation et l’entraînement forment la base de la préparation à la gestion des situations exceptionnelles, il convient de bien en différencier le contenu et l’objectif.
- Dans le cas des situations "prévisibles" : transmettre des procédures, consignes ou plans de réponses structurés et apprendre à les maîtriser au travers d’exercices de déploiement afin de renforcer la capacité de réaction de l’organisation face à un risque identifié.
- Dans le second, les crises "imprévisibles" : développer le potentiel d’anticipation et d’adaptation des équipes soumises à une situation imprévue et à un environnement incertain. Cela passe par le développement d’une méthode plus qu’une action. Une méthodologie fondée sur des processus - de veille, d’analyse, d’échanges, etc. - plus que sur des procédés mécaniques de mise en œuvre. La finalité est, en deux mots, de cultiver l’agilité de l’organisation, la capacité des acteurs à exécuter leur devoir de "désobéiscence organisationnelle".
La sociologie des organisations, et récemment le Professeur Dupuy dans son ouvrage "On ne change pas les entreprises par décret", nous rappelle que les Powerpoint, les formations et les organigrammes ne suffisent pas à modifier les relations entre les acteurs. Le sociogramme est un outil complémentaire d’organisation de la gestion de crise et permet d’influencer les schémas de gestion de crise à anticiper.
Ainsi, gérer une crise est plus affaire de qualité managériale que de gestionnaire (elle est nécessaire mais subséquente). Souvent, on estime que cette qualité est innée, que le management "ne s’apprend pas", et pourtant. Former les décideurs à l'exercice, difficile, de l'autorité bienveillante, aussi bien dans l'administration que dans l'entreprise, est sans doute une nécessité devenue incontournable face aux situations complexes et à l’espace global d’incertitude qui est le nôtre.
Dominique Bellos, Kamel Adrouche, Jean-Baptiste Aricat, Corinne Chartrelle, Célimène Daudet, Vincent Laforge, Ange Loustalot, Marilise Miquel, Mélody Pellissier, Samson Perthuisot, Thierry Marchand, Claire Pouzenc, Fabien Siguier
06/04/2022