Face à la crise, la Résilience de la Nation passe par l’éducation

Nelly Fesseau est Haut fonctionnaire. Elle est l'auteur du rapport « Résilience d’une Nation, y a-t-il une place pour le citoyen dans la sécurité de notre pays ? » IHEDN, 2018

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Lorsque nous avons clôturé début 2018 le rapport sur la Résilience de la Nation avec quelques auditeurs de l’IHEDN, encouragés par Catherine Orphelin et l’amiral François Dupont à traiter ce sujet dans le cadre plus large de l’autonomie stratégique de la France, nous avions souligné que les attentats terroristes de l’année 2015 avaient douloureusement ré-ouvert une époque mettant à mal les fondamentaux des valeurs de la République. Et que, dans ce contexte, la Résilience restait un enjeu majeur de société, une vertu incontournable pour renforcer la cohésion des Français, leur confiance dans ce qui fait la France, et leur capacité à agir en situations d’exception.

Nous constatons aujourd’hui, face à la crise sanitaire que nous traversons, combien ce propos trouve pleinement son sens.

La sécurité de notre pays, notre autonomie stratégique, impliquent des capacités de Résilience, à savoir « la capacité de s’adapter à un contexte en évolution et de se préparer à la perturbation, de l’encaisser et de s’en remettre rapidement » avec les trois objectifs : anticiper / résister / rétablir.

Et ce particulièrement lorsque la cohésion nationale - dont la condition sine qua non est la primauté des intérêts supérieurs de la Nation sur la sauvegarde des intérêts particuliers - est mise à mal.

Plus les risques sont élevés et plus la vulnérabilité de notre pays est forte, plus la Résilience est essentielle. Au point qu’évaluer la Résilience d’un Etat deviendra un indicateur bien plus fiable que les méthodes d’analyse traditionnelle pour réussir à surmonter le chaos et les perturbations futures. Tout investissement par un Etat dans ce qui lui permettra de résister aux chocs sera décisif dans le maintien de sa prospérité.

L’éducation constitue l’un des facteurs fondamentaux de la Résilience par la transmission des savoirs et la transmission des valeurs.

Les principaux facteurs de la Résilience de la Nation pour les citoyens sont ceux qui relèvent de la confiance, de la perception d’une information fiable et de l’éducation.

La Résilience collective de la Nation et les résiliences individuelles de chacun sont particulièrement imbriquées dans la crise sanitaire que nous connaissons. Il nous faut faire face individuellement et collectivement. La transmission des savoirs, l’éducation des femmes, des hommes et des enfants participent à la Résilience des individus et de fait, à la résilience collective. Comprendre le choc qui survient, développer une vision historique, être capable de comparer les évènements et les chiffres dans le temps et dans l’espace, se référer aux poètes ou aux philosophes, prendre connaissance avec discernement et recul des flots d’informations continues sont nécessaires pour permettre de rétablir la situation tant au plan individuel que collectif.

De plus, l’éducation permet la transmission de valeurs partagées et forge la citoyenneté : valeurs républicaines et démocratiques, objectivité scientifique, liberté de créer, de penser, d’entreprendre, connaissance et pratique des grandes vertus, etc.  Le protocole interministériel qui lie les ministères des armées et de l’éducation nationale vise ainsi « à former de futurs citoyens responsables, prêts à contribuer au développement et au rayonnement de leur pays (…).  L’éducation est un acte global qui n’est pas réductible aux activités scolaires, l’esprit de défense est une attitude civique qui n’est pas limitée aux activités militaires. ». 

Dans le contexte de crise que nous traversons, l’Éducation nationale joue de fait un rôle essentiel par la continuité pédagogique, sur deux plans : celui de la poursuite de la scolarisation et celui de la prise de recul, de l’analyse et l’échange.

Le concept de continuité pédagogique était, avant la fermeture des écoles, collèges et lycées du lundi 16 mars 2020 un concept peu connu du grand public. Pour protéger la population, il fut décidé de fermer les établissements sur l’ensemble du territoire. Immédiatement, la continuité pédagogique fut établie afin de permettre aux élèves un accès à l’enseignement, quel que soient leur niveau par une mobilisation pleine et entière de l’ensemble de l’institution éducative.

Au-delà du maintien du lien pédagogique entre les professeurs et les élèves, de l’entretien des connaissances déjà acquises par les élèves et l’acquisition de nouveaux savoirs, l’opération « Nation apprenante » était engagée pour mettre à la disposition des professeurs, des élèves et de leurs familles des programmes audiovisuels de qualité en lien avec les programmes scolaires et d’une plateforme éducative Lumni. La communauté éducative s’est montrée résiliente à tous niveaux et a su faire face : ainsi de nombreuses ressources étaient mises à disposition des professeurs et des établissements via le CNED et la plateforme dédiée "Ma classe à la maison" ou le site éduscol, des cellules téléphoniques créées dans les académies pour guider les familles dans la mise en œuvre de la continuité pédagogique, etc.

Pour autant, la Résilience ne se limite pas à anticiper et à faire face à une crise ou un choc ; elle implique le rétablissement et l’adaptation qui permettent la survie. Dans le cas de l’éducation, le retour en établissement constitue un objectif majeur.

En conclusion, la résilience est avant tout une affaire d'hommes et de femmes, qu'il s'agisse de la capacité individuelle à surmonter un choc ou un traumatisme jusqu'à la mesure de protection collective à résister à des agressions extérieures. Il s'agit bien de comprendre le monde dans lequel on vit et les menaces qui l'entourent pour pouvoir s'y préparer, et se garder ainsi de chocs majeurs. L’Education nationale prend toute sa part dans ce combat.

Nelly Fesseau