Le Cercle K2 n'entend donner ni approbation ni improbation aux opinions émises dans les publications (écrites et vidéos) qui restent propres à leur auteur.
Kevin Dumoux est co-créateur du Cercle K2. Il dirige un cabinet de conseil qui accompagne notamment les PME dans leurs transformations stratégiques et digitales.
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Dans un environnement économique où la compétitivité est omniprésente et où les marchés atteignent souvent un point de saturation, les petites et moyennes entreprises (PME) traditionnelles se trouvent confrontées à des défis de taille. Elles sont prises en étau entre, d'une part, des startups qui, en plus de faire preuve d'une certaine agilité, ont souvent accès à des financements significatifs (VC, Private Equity, Business Angels, etc.), et, d'autre part, des multinationales dotées de ressources quasi illimitées (financières et humaines).
Toutes les PME ne sont pas homogènes dans leur structure ou leur approche. Certaines PME, établies depuis de nombreuses années, sont issues de modèles d'affaires traditionnels. Ces entités ont souvent un enracinement local/régional fort et bénéficient de relations durables avec leurs fournisseurs, leurs partenaires et leurs clients. Toutefois, cet enracinement et cette stabilité, bien que bénéfiques sous certains aspects, peuvent également constituer des obstacles à l'agilité et à l'innovation. En effet, ces entreprises peuvent se trouver moins préparées à répondre aux changements rapides induits par les avancées technologiques, les crises, ou les mutations des comportements de consommation.
Face à ces défis, comment les PME traditionnelles peuvent-elles naviguer dans ce paysage complexe pour innover, s'adapter et finalement prospérer ?
Gestion financière : le nerf de la guerre
La gestion financière est souvent perçue comme une fonction administrative plutôt que stratégique. C'est une erreur. De nombreuses PME font face à des défis tels que le manque de capital, de trésorerie, des compétences de gestion insuffisantes et l'application de meilleures pratiques en matière de gestion financière. Une gestion financière efficace va bien au-delà de la simple comptabilité. Elle implique une analyse approfondie des revenus, des dépenses, et des opportunités d'investissement. Les PME doivent adopter des outils financiers avancés, tels que les tableaux de bord financiers en temps réel, les analyses prédictives, et même l'intelligence artificielle pour la prise de décision. Ces outils permettent non seulement de suivre les performances en temps réel, mais aussi de prévoir les tendances futures, ce qui est un facteur clé de succès pour prendre des décisions stratégiques éclairées. En somme, une gestion financière solide n'est pas un luxe, mais une nécessité pour toute PME cherchant à passer à l'échelle.
Adopter les pratiques des entreprises à croissance rapide
Les entreprises qui ne s'adaptent pas sont vouées à l'échec. C’est en particulier vrai depuis ces dernières années où le monde vit des crises inédites. Un rapport de l'ACCA [1] souligne l'importance pour les PME d'adopter des pratiques de gestion agile, d'innovation et de technologie avancée. Les méthodes de gestion agile, telles que Scrum ou Lean, permettent une plus grande flexibilité et réactivité face aux changements du marché. Certes, ces méthodologies ne sont pas faites pour toutes les PME mais un questionnement clair, suivi d'une analyse approfondie, est souvent la première étape pour la conduite de changement. Dans certains cas, l'adoption de technologies de pointe, comme l'Internet des objets (IoT), peut offrir des avantages compétitifs significatifs. Enfin, une culture d'innovation doit être encouragée à tous les niveaux de l'entreprise. Cela peut être réalisé par des programmes de formation, des incitatifs financiers pour les projets innovants, ou même des partenariats avec des startups ou des centres de recherche.
Développer un état d'esprit Entrepreneurial
L'entrepreneuriat n'est pas seulement réservé aux startups. C'est un état d'esprit qui peut et doit être cultivé dans toutes les entreprises, quelles que soient leur taille ou leur ancienneté. Selon l'OCDE [2], cet état d'esprit entrepreneurial doit être encouragé à travers toute la société, et en particulier au sein des PME. C’est encore plus vrai pour les PME dites "traditionnelles" qui ont pu, au fil des années, perdre cet état d'esprit. Cela implique un investissement dans la formation et le développement des compétences, non seulement des dirigeants mais aussi des employés. Des programmes de mentorat, des ateliers de créativité, et des incitatifs à la prise de risque peuvent tous contribuer à développer cet état d'esprit. Les PME doivent également créer un environnement où l'échec est vu comme une occasion d'apprendre plutôt que comme une faute. En encourageant une culture de l'innovation, les PME peuvent non seulement améliorer leur produit ou service, mais aussi attirer des talents de qualité, ce qui est souvent un défi pour les petites entreprises.
Combler le fossé technologique
Les PME ont un retard technologique à combler [2]. Ce retard n'est pas seulement en termes d'adoption de nouvelles technologies, mais aussi en termes d'intégration et d'utilisation efficace de ces technologies dans les opérations quotidiennes de l'entreprise. L'adoption de technologies éprouvées peut accélérer ce processus et minimiser les risques associés à l'expérimentation de nouvelles solutions. Par exemple, l'adoption de systèmes de gestion de la relation client modernes (CRM) peut aider les PME à mieux comprendre leurs clients et à personnaliser leurs offres. De même, l'utilisation de l'analyse de données peut fournir des "insights" précieux sur les performances de l'entreprise, les tendances du marché et les opportunités de croissance.
Mais il ne s'agit pas seulement d'adopter la dernière technologie à la mode. Les PME doivent être stratégiques dans leur adoption de la technologie et extrêmement pragmatiques dans leur déploiement opérationnel. Cela signifie évaluer soigneusement les besoins de l'entreprise (et non les simples demandes des opérationnels comme c'est souvent le cas), les coûts associés (comprendre l'investissement dans des outils est souvent rédhibitoire, à tort, par les dirigeants de PME) et le retour sur investissement potentiel (nécessairement moyen/long terme). Une adoption technologique réussie nécessite également une formation adéquate des employés et une intégration en douceur avec les systèmes existants.
L'Export : une frontière à franchir
L'exportation représente une opportunité pour les PME cherchant à passer à l'échelle. Cependant, se lancer dans l'exportation peut être une tâche ardue, surtout pour les petites entreprises qui n'ont pas les ressources nécessaires pour naviguer dans les complexités des marchés internationaux. En France, plusieurs initiatives d'État visent à soutenir les PME dans leurs efforts d'exportation. L'État français s'efforce d'améliorer les dispositifs publics et privés qui soutiennent le développement international des entreprises, en particulier les PME.
L'un des atouts pour les PME françaises est le réseau des Conseillers du Commerce Extérieur de la France (CCE) [3]. Ces conseillers, souvent des dirigeants d'entreprises ou des experts en commerce international, offrent leur expertise et leurs conseils aux PME qui cherchent à exporter leurs produits ou services. Ils peuvent aider à identifier les marchés cibles, à comprendre les réglementations locales, et même à établir des contacts commerciaux.
Business France [4] est une autre initiative gouvernementale qui offre un soutien précieux aux PME. Cette agence aide les entreprises à comprendre les marchés étrangers, à trouver des partenaires commerciaux et à naviguer dans les complexités réglementaires. Business France organise également des événements de mise en réseau et des missions commerciales pour aider les PME à établir des relations commerciales internationales.
Conclusion
L'immobilité est le prélude au long déclin. Les PME établies de longue date et ayant un modèle d'affaires traditionnel doivent adopter une approche globale, combinant une gestion financière rigoureuse, une adoption rapide de la technologie, et un état d'esprit entrepreneurial. En intégrant ces éléments dans leur stratégie globale, les PME ne se contentent pas de survivre, elles prospèrent.
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[1] Lien ACCA
[2] Lien OCDE
[4] https://www.businessfrance.fr/
02/10/2023