De la résistance à l'anticipation

16/03/2023 - 3 min. de lecture

De la résistance à l'anticipation - Cercle K2

Le Cercle K2 n'entend donner ni approbation ni improbation aux opinions émises dans les publications (écrites et vidéos) qui restent propres à leur auteur.

Eric Milton est Dirigeant Fondateur d’Amaïs France & Expert en Continuité d’Activité et Marianne Robinot Cottet-dumoulin Consultante senior gestion des risques et communication.

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Optimiser aujourd’hui les réponses des organisations face aux crises, c’est faire de la fonction anticipation le "réacteur" du dispositif de crise permettant ainsi aux entreprises de s’inscrire dans une approche intelligente de la crise. À l’image du navire qui dispose d’un radar et d’un sonar, l’entreprise doit s’équiper d’un dispositif équivalent pour conduire intelligemment la crise. 

Ce modèle a l’avantage d’ouvrir des perspectives aux entreprises soumises à de fortes perturbations et de se positionner autrement face à l’incertitude : accélération des transformations, modifications des process, cohésion sociale en re-situant l’humain au cœur du système.

Le principe de l’Intelligence de Crise (I.C) repose sur une Organisation Intelligente de Crise (OIC). Cette dernière s’appuie sur la dimension "anticipation" pour prévenir, comprendre et agir sur les crises et leurs conséquences. Cette démarche est constituée de quatre actions majeures : analyser, innover, s’adapter et capitaliser. L’individu, acteur et au cœur du dispositif de crise, contraint de raisonner dans l’incertitude, oriente ses actions et ses décisions à la lecture d’une projection dans l’avenir. 

La capacité stratégique d’anticipation ne peut exister sans réelle volonté de transformation. Celle-ci doit être portée par un leadership qui aujourd’hui ne peut être que collectif pour être puissant et efficient, même si, de l’anticipation à l’action, il s’organise autour de femmes et d’hommes dont on reconnaît les capacités effectives à impulser ce changement.

Nos expériences récentes au plus proche du terrain démontrent qu’anticiper reste dans la plupart des entreprises une gageure. Entre le discours et la pratique, des écarts sont en effet perceptibles. Gérer l’urgence, être toujours plus réactif sont la norme. Si chacun admettra que plus on a anticipé tôt, plus on est efficace, même sous forte pression, la posture de la "tête dans le guidon" reste largement partagée. 

Pourquoi est-ce si compliqué d'anticiper ? Quels sont les freins à la fois individuels, collectifs, organisationnels ? Comment expliquer cette résistance au changement alors que l’importance d’une logique d’anticipation qui ouvre la voie à une vision stratégique plus globale n’est que très peu remise en question ? 

On aurait pu penser que les entreprises s’étaient appropriées à travers le travail minutieux réalisé par les Directions des Risques et de l’Audit Interne, dont l’ADN est d’identifier, qualifier et hiérarchiser les vulnérabilités et les risques, cette démarche intellectuelle d’anticipation. 

Le scope de l’analyse des vulnérabilités et des risques porte le plus souvent sur le "Business", rarement sur les risques endémiques, structurels, collatéraux. Cette approche fait abstraction de la notion "d’incertitude et d’imprévu", elle s’appuie en effet sur la notion de "l’inconnu connu" :  on ne sait pas ce qui va se passer mais on connaît la probabilité que cela se passe.

Les Responsables des Plans de Continuité d’Activités (RPCA) viennent en renfort sur les sujets propres à la mise en place et au maintien en condition opérationnelle des Plans de Continuité d’Activités. L’observation montre qu’ils sont souvent peu écoutés, voire entendus, lorsque la crise se présente. 

Autre constat, les gestionnaires de crise, secteurs privés et publics confondus, ne sont que rarement des professionnels de la gestion de crise. Leur mission principale porte sur les activités de l’entreprise (Business) et non sur la gestion de crise et de la continuité des activités. Échafauder une stratégie anticipatrice dans un environnement baigné d’incertitude et d’opacité relève alors d’une prise de risque individuelle pouvant impacter la carrière de celles et ceux qui osent raisonner autrement. Nombre de retours d’expérience révèlent que majoritairement les décideurs attendent des gestionnaires de crise de déclencher et d’appliquer les plans existants préparés "à froid" alors même que ces plans ne répondent que partiellement à la situation vécue. La crainte du jugement hiérarchique et de l’impact que celui-ci peut engendrer dans la carrière freine toute envie d’être force de propositions. 

La peur de l’échec demeure un facteur récurrent et déstructurant dans notre société. On réprimande trop souvent l’échec au lieu de l’objectiver, de le challenger et de s’en servir comme tremplin d’amélioration et d’évolution individuelle et collective.  "Le succès consiste à aller d’échecs en échecs sans jamais perdre son enthousiasme", disait Winston Churchill !

L'anticipation est avant tout une démarche intellectuelle et un mode spécifique d’analyse de l’information. Au cœur de la culture militaire, cette méthode de projection qui prépare l’avenir est un signal envoyé aux compétiteurs, une posture qui installe l’organisation dans une phase de compétition. Ce mode de "raisonnement tactique" ne s’intégrera pleinement dans le monde civil que lorsqu’il sera appréhendé comme besoin vital. En négligent cet exercice, on s’expose aux difficultés de l’imprévisible et à la complexité des événements qui nous entourent. Reconnaissons que notre étonnement et notre sidération résultent le plus souvent du défaut d’anticipation que de la survenance de circonstances fortuites.

Eric Milton et Marianne Robinot Cottet-dumoulin

16/03/2023

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