Face à l’urgence d’agir, redécouvrons l’importance du temps long
12/07/2021 - 2 min. de lecture
Le Cercle K2 n'entend donner ni approbation ni improbation aux opinions émises dans les publications (écrites et vidéos) qui restent propres à leur auteur.
Lara-Scarlett Gervais est Aventurière-photographe & Présidente de l'Association Heritage & Civilisation et Ariane Vitou Comms & Institutional Relations Lead chez Destin Commun.
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La pandémie du Covid a créé une distorsion du temps, nous plongeant collectivement dans un présent suspendu et indéterminé. Il a poussé nombre d’entre nous à vivre "au jour le jour" : s’ancrer dans l’ici et maintenant pour éviter de sombrer dans l’angoisse des incertitudes à venir ou la mélancolie du monde d’avant.
Alors qu’un horizon au-delà de la crise sanitaire se profile une sortie de la crise sanitaire, les confinements touchent à leur fin, la tentation hédoniste est alléchante : l’envie de "rattraper le temps perdu" se répand sur les terrasses et les réseaux sociaux comme une traînée de poudre. En réaction, des voix s’élèvent pour nous alerter et veiller à ce que le monde d’après ne soit pas le monde d’avant. Mais, nous croyons-nous à ce point hors du temps pour pouvoir du jour au lendemain écrire une nouvelle page de l’Histoire ? Avons-nous donc perdu la conscience de notre devenir ? Un devenir qui fait de nous les héritiers d’hier et les bâtisseurs de demain. Un devenir qui nous montre la grandeur et la fragilité de nos civilisations.
Plutôt que de chercher à retrouver "le temps d’avant" tel un paradis perdu ou à imaginer un monde d’après idéal, réinscrivons notre action dans le temps long. Pour préparer demain, commençons dès aujourd’hui en tirant les enseignements d’hier. À cet égard, le patrimoine est un vecteur de conscience de notre devenir collectif : il nous rappelle combien chaque civilisation est fragile, soumise inéluctablement à des cycles de développement, puis de déclin. Les temples de Bel, de Baalshamin en Syrie, témoins du rayonnement passé, contemplent en silence depuis 2001 les horreurs de la guerre et de la destruction. Si ce patrimoine pouvait parler, que nous dirait-il ? Que dirait-il aux générations futures ?
Face au déracinement des jeunes générations, ballottées par un flux d’informations mondialisées en temps réel, le patrimoine constitue un ancrage : il émeut, il transmet, il fédère. Faire découvrir aux enfants le patrimoine de proximité, c’est susciter leur sentiment d’appartenir à une histoire collective. Faire découvrir aux enfants le patrimoine mondial, c’est éveiller leur conscience de faire partie d’une même Humanité.
Les défis du temps présent requièrent de retrouver un sens du collectif, au-delà des frontières du temps et de l’espace : c’est tout l’enjeu du programme Odyssée. Il vise à faire du patrimoine non seulement un héritage qui nous rassemble mais aussi un destin qui nous lie. Il ouvre les jeunes générations sur le monde, comme un fil tendu entre l’Orient et l’Occident, le passé et l’avenir, la guerre et la paix. Il initie les enfants à une sagesse millénaire profonde : celle de l’impermanence. Face aux ruines, aux vestiges, aux destructions, comment ne pas éveiller un sentiment profond de résilience ? Le patrimoine nous rappelle que les puissances d’aujourd’hui ne seront peut-être pas celles du futur, que l’oppresseur / l'opprimé d’hier sera peut-être l’opprimé / l’oppresseur de demain.
Le programme Odyssée prépare les jeunes générations à naviguer sur les mers de l’incertitude, en s’ouvrant à l'altérité, en mettant en perspective la chance de notre démocratie, en redécouvrant la patience du devenir.
Face à l'urgence d’agir, redécouvrons ensemble l’importance du temps long.
Lara-Scarlett Gervais et Ariane Vitou
12/07/2021