Le livre, c’est la vie

02/02/2022 - 3 min. de lecture

Le livre, c’est la vie - Cercle K2

Le Cercle K2 n'entend donner ni approbation ni improbation aux opinions émises dans les publications (écrites et vidéos) qui restent propres à leur auteur.

Sofiane Hadji est président de Quatre Vingt Treize Conseils et Kenza Itji collaboratrice parlementaire.

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Le livre, c’est la vie

À l’aune de la campagne présidentielle, les différents candidats font de l’éducation une priorité de l’action de l’État. Que ce soit pour répondre à des enjeux économiques ou pour rétablir l’autorité qu’ils disent attendue par les français, chacun fait des propositions. Aucun ne parle de lecture.

Au-delà de la capacité pour les enfants de savoir lire et écrire, aucun ne parle de leur donner le goût du livre. Pourtant, c’est bien là l’outil qui porte notre humanité depuis des siècles si ce n’est des millénaires. 

Dans notre société contemporaine, le livre nous permet surtout de dépasser notre cercle de pensée, nos coutumes, nos opinions politiques, nos croyances, ce qui nous entoure quotidiennement et qui, peu importe les milieux sociaux, est réduit. En réalité, le livre nous lie à nos semblables, passés ou contemporains. 

Que vous exploriez le Paris du 19ème siècle et ses Illusions perdues avec Balzac, en y reconnaissant parfois votre propre époque, que vous voyagiez avec Paulo Coelho et son Alchimiste pour réfléchir au sens de votre vie, que vous vous fasciniez pour l’Affaire Harry Québert de Joël Dicker ou que vous essayiez de comprendre votre place d’individus au sein d’une société d’identités grâce aux Identités meurtrières d’Amin Maalouf, vous vous laissez à chaque fois transporter par le livre. 

Pour transmettre des savoirs et apprendre au-delà de ce que l’école apporte, pour communiquer, pour voyager, pour se dépasser, pour se détendre, pour s’enrichir : le livre est encore aujourd’hui le meilleur outil et le moins cher à portée de main de la plupart d’entre nous. 

Et pourtant, selon l’Observatoire des inégalités[1], 8 % de la population âgée de 15 ans ou plus n’a lu aucun livre en 2018. Si on traduit par classe sociale et économique voici le résultat : 47 % des ouvriers et employés 30 % des professions intermédiaires, contre 15 % des cadres supérieurs. On lit donc beaucoup moins au sein des classes populaires. 

L’engouement des médias au sujet de la fermeture des librairies, "commerce de première nécessité" ou non, durant les différents confinements est un trompe l’oeil du rapport au livre qu’ont nombre de français, car la fréquentation des librairies reste souvent l’apanage des classes les plus aisées.   

Au-délà des prix qui peuvent largement varier et permettre à tout le monde d’acquérir un ouvrage, c’est la place que l’on donne aux livres dans les milieux économiques les moins aisés qu’il faut traiter. C’est probablement l’école qui doit mener les enfants sur ce chemin et leur donner le goût du livre. 

Dans les zones d’éducation prioritaire (ZEP), les professeurs qui montrent cette voie ne sont pas nombreux, probablement du fait de conditions de travail difficiles. Dans certaines écoles, on sélectionne donc quelques enfants pour accéder à ce qu’on appelle un "club lecture". C'est à cette occasion que les enfants de ces quartiers peuvent découvrir la lecture sous l’angle ludique et du plaisir que cette activité doit représenter. Doit-on réellement réserver cette activité à une part réduite des élèves de ZEP ? Ou doit-on s’assurer dès l’école de développer chez le plus d’enfants possible le goût du livre pour leur permettre de garder cette habitude une fois adulte ?

Même si tout le monde a accès à proprement dire aux livres, nous n’apprenons pas la lecture de la même manière. C’est en ZEP que les albums patrimoniaux sont les moins utilisés (21 % contre 33 % hors ZEP), au profit d’albums explicites (48 % contre 37 % hors ZEP) : aux contes traditionnels sont préférés, dans les établissements populaires, des récits de création contemporaine aux trames narratives simples[2]. La promesse républicaine consiste pourtant en l’égalité des chances tant promue par différents responsables politiques. Et notre capacité à comprendre des écrits ne doit pas dépendre de l’endroit où nous sommes nés. 

Il est donc temps pour reprendre la maxime de Danton qu'"après le pain, l’éducation est le premier besoin du peuple" et de laisser le karcher à la cave et ressortir le dictionnaire pour nos enfants  ! 

Sofiane Hadji et Kenza Itji

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[1] https://www.inegalites.fr/Un-acces-au-livre-profondement-inegal-selon-les-milieux-sociaux

[2] Bonnéry, Stéphane, "Les livres et les manières de lire à l'école et dans les familles : Réflexions à l'occasion de la parution de la liste officielle "maternelle"", Le français aujourd'hui, vol. 185, no. 2, 2014, pp. 47-57. 

02/02/2022

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