Note 5 remise à l’état-major Virus le 15 août 2021

04/09/2021 - 9 min. de lecture

Note 5 remise à l’état-major Virus le 15 août 2021 - Cercle K2

Le Cercle K2 n'entend donner ni approbation ni improbation aux opinions émises dans les publications (écrites et vidéos) qui restent propres à leur auteur.

Patrick Lagadec est Directeur de recherche honoraire à l’École Polytechnique.

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I  – AU FIL DES JOURS

Certes, les vaccinations continuent, mais à un rythme moindre, ce qui est bon pour nous.

Surtout, nos avancées se confirment sur tout le territoire du pays cible : un niveau très élevé de cas, d’hospitalisations, de recours à la réanimation, avec même des percées sur les littoraux du sud.

Et une montée continue des conflits, de la confusion, des dissociations, qui sont nos meilleurs atouts.

Impasse sanitaire. Nos supporters maintiennent la pression, obligeant nos adversaires, une fois encore, à lâcher du lest. Ainsi, la durée de validité des tests est passée à 3 jours, sachant que, pour notre action Delta, ces tests perdent une large partie de leur pertinence après 24 heures. Cela traduit l’impasse sanitaire dans laquelle se trouve l’adversaire. Maintenir les 48 heures, ou pire : faire tomber à 24 heures aurait déclenché de telles réactions hostiles et de telles saturations au niveau des laboratoires d’analyse et autres centres de prélèvement qu’il leur a bien fallu lâcher du lest. En clair : nous laisser la main. Donc, bon point pour nous, mais nous ne leur avons pas laissé le choix ; ils ne pouvaient faire autrement.

Obligation vaccinale. Là aussi, ils sont dans les cordes. Ce serait la seule option susceptible de nous poser vraiment problème, mais elle soulèverait, là encore, de telles oppositions que la seule voie laissée ouverte est celle de la "pédagogie". Elle serait gagnante pour eux s’ils n’avaient à faire qu’à des personnes seulement réticentes – ce qui est loin d’être le cas ; s’ils avaient le temps de leur côté, et si nous n’étions pas dans une guerre asymétrique (comme déjà noté dans le tout premier point du 20 juillet) : il leur faut 90 à 95 % d’adhésion pour nous battre, mais nous avons à nos côtés près de 15 % de totalement réfractaires qui ne se laisseront convaincre par rien, sauf peut-être l’arrivée d’Hadès en personne (et encore, ce n’est pas du tout certain). La nécessaire pédagogie, leur seule option, arrive rapidement à l’asymptote.

Dégradations. Avec la durée, la peur et la confusion que nous entretenons, la colère ne cesse de monter. On voit se multiplier les actes de malveillance, et même les menaces de mort sur les personnels les plus dévoués. L’agression comme seule arme défensive pour ne pas risquer l’effondrement psychique dans des abîmes de dépression intense : nous jouons gagnants. Désormais, face à tant d’impuissance à contrer à nos avancées territoriales, un déni puissant est à l’œuvre : nos supporters rivalisent pour afficher des chiffres faux, pour indiquer que les réanimations aux Antilles sont vides, que les malades sont de faux malades instrumentalisés pour la propagande liberticide… Emportés par cet élan qui nous est si utile, certains font même état de milliers de morts cachés…

Et les démonstrations antisémites se poursuivent. Nous pensions jusqu’à présent qu’elles risquaient de nous être défavorables, mais il semble, comme nous le notions dans le dernier point du 8 août, que le mouvement soit plus profond et donc que cela ne nous gêne finalement pas. Bientôt, nous pourrions même voir fleurir des slogans du type : "si on ne peut plus être antisémite, c’est bien que nous sommes déjà dans une dictature nazie". L’alliage de l’abject et du non-sens, c’est précisément ce qui fait carburer nos supporters les plus véhéments et fait nos affaires. Nous souhaitons bon courage à notre adversaire et lui rappellerons le mot chinois : "il faut cent sages pour contrer un seul irrationnel".

Frottements. On voit remonter du terrain mille et un constats de limites pratiques et opérationnelles des dispositifs mis en place par leur Exécutif, ce qui n’est pas étonnant quand il faut agir et innover à haute vitesse. On voit aussi se développer, sur un plan théorique, des analyses critiques portant sur les risques juridiques potentiels qui pourraient être liés aux dispositions prises, et notamment le Passe-Sanitaire. Tous les freins, les obstacles, les remontées de blocages seront autant de points utiles à notre cause. Même la perfection absolue n’emporterait pas la conviction, ne ferait pas bouger d’un micron nos adorateurs ; c’est dire si le moindre problème, la moindre question, leur apporte des motifs en or. Nous pourrions d’ailleurs susciter de nombreux colloques et contributions sur les dimensions éthiques du Passe-Sanitaire, de la vaccination – en étant certains que personne n’ira ouvrir de réflexion sur les dimensions éthiques de l’absence de Passe-Sanitaire ou de l’abandon de la vaccination en rase campagne.

Travail de sape. Comme nous l’avons déjà indiqué, les décisions visant à alléger les peines encourues en cas de falsification de documents essentiels (QR Code, Passe-Sanitaire) ne pouvaient que porter leurs fruits. On relève des faits qui, peut-être, pourraient nous laisser espérer une épidémie prochaine de falsifications qui parviendrait à ruiner la validité, l’utilité, de toute la mécanique de protection mise en place. Il semble vraisemblable que nous pourrions avoir les mêmes résultats bénéfiques pour nous avec la non-observance des isolements en cas de test positif qui a aussi fait l’objet de mansuétude supérieure. Nous ne pouvons que nous en réjouir.

Blockbuster. Nous n’avons pas de doute sur la continuation, et très probablement l’extension, des défilés de colère chaque samedi. Nous aurions pu craindre un essoufflement de ces manifestations de support en raison des bilans terribles que nous infligeons désormais. Mais cette crainte n’était guère fondée. Le "sens", la chaleur que beaucoup retrouvent dans ces rassemblements hebdomadaires, la coagulation enivrante de colères aux mille et une racines, l’assurance de faire la une des médias, la garantie de "passer à la télé" pour livrer des discours "camera-ready" définitifs, l’attrait de grandes déclamations sur le thème de la "Résistance", de la "Dictature", de la "Liberté", est irrésistible. Du côté de bien des chaînes, on garantit à l’avance un haut-parleur national à toute personne qui puisse faire image-choc, puisque, comme le dit le bréviaire identitaire : "l'image ne trompe pas". Nos pyromanes biologiques ont ainsi bien plus de chances de "passer à la télé" que les sauveteurs qui nous opposent une résistance qui force le respect, y compris le nôtre.

 

II  – RUPTURES : TROUS NOIRS DÉVORANTS

1.  Réflexions

La dévoration antillaise. Dans une de nos précédentes notes, nous avions bien exigé de nos commandos sur place de ne surtout pas viser de bataille décisive. Ils ont trahi. Ils y sont allés beaucoup trop fort, par manque de réflexion. Ils auraient dû savoir : a) que leur arme, produite en Inde, se révélerait d’une efficacité stupéfiante dans le climat antillais ; b) que le taux de vaccination y était tellement limité que nos avancées seraient foudroyantes ; c) que rien de pourrait convaincre nos victimes d’engager une lutte réelle contre nous : l’argument solide du colonialisme, l’épisode tragique du chlordécone, et l’on pourrait aussi ajouter le drame de la montagne Pelée, ne pouvaient qu’ouvrir une course à tombeau ouvert.

Bien sûr, on aurait pu avoir une surprise malheureuse si les élus et autres corps intermédiaires avaient complètement tourné ces anciennes donnes : ils auraient pu faire savoir que, sur cet épisode du virus, les îles sauraient faire front, exiger de la métropole plus de vaccins américains qu’ailleurs, et mobiliser leur monde pour être médaille d’or de la vaccination. Mais ce risque était quasi nul : pour retourner ainsi les visions et les dynamiques d’action il faut une solide préparation à l’invention en situation d’inconnu. Qui s’y prépare ? Pas plus en Caraïbes que partout ailleurs sur la planète. Ils ne pouvaient que rester prisonniers de leurs tragédies.

Résultat : les îles sont désormais bien loin de ce qu’on nomme "crise", c’est l’engloutissement qui triomphe. Les renforts débarquent en masse, les avions sanitaires s’envolent vers la Métropole, et l’on demande, comme toujours, le déploiement d’hôpitaux de campagne, avec l’idée – qui n’a pas varié depuis Austerlitz – que le pays a des millions d’hommes sous les drapeaux, et donc des milliers de lits de réanimation prêts à être déployés de l’Antarctique aux Kerguelen. Et finalement, même l’hécatombe ne fait nullement bouger la détermination contre les mesures qui nous seraient défavorables.

La dissociation en accélération. Nous aurions pu craindre que la tragédie antillaise ait un effet choc sur les mobilisations hexagonales en notre faveur. Fort heureusement, il n’en est rien. Un médecin a bien tenté de faire état du constat dans les îles : sur 700 patients hospitalisés, 0 vacciné. Peine perdue : rien ne saurait faire "changer d’avis" aux opposants qui s’agrègent, se coagulent, chaque samedi. L’opposition radicale est et reste une sécurité non négociable. On défile avec enfants en proclamant qu’on veut les protéger, on s’insurge contre la mesure annoncée pour les classes à la rentrée (au lieu de tout fermer en cas de maladie Covid ; on n’exclura que les seuls enfants non vaccinés, pour lesquels le distanciel sera organisé). Banderoles et étoiles continuent à fleurir avec leur parfum d’autant plus enivrant qu’il est nauséabond. Et, bien sûr, même les grandes radios se font un devoir de donner tout le retentissement possible aux écarts les plus voyants, aux avis scientifiques définitifs des plus ignorants (il faut bien "maintenir l’équilibre entre tous les points de vue"). Ces marées hebdomadaires sont désormais devenues un rite, ce qui nous assure une rente à long terme.

Le fléchissement des vaccins. Nous avons enfin une bonne nouvelle concernant l’arme de défense ennemie. Voici une étude indiquant que les vaccins ARN ne sont pas aussi performants qu’on ne le disait au début. Certes, ils restent solides pour éviter les formes graves, mais la baisse de leur efficacité est une excellente nouvelle, que nous allons pouvoir faire exploiter à fond par nos supporters. [Il ne reste qu’à espérer une étude faite quelque part dans le vaste monde laissant entendre qu’il pourrait y avoir un effet du vaccin sur la stérilité ou tout autre effet sur le fœtus, et alors c’est le gros lot.] Le pays cible va donc devoir oublier "la fin de l’été" comme entrée dans une ère de bonheur retrouvé grâce aux vaccins. Le long terme vient de s’imposer. Là, c’est une vraie rupture.

Abonnés absents. Il y a les partis : chacun regarde son sous-pré carré, prépare l’échéance présidentielle. Le mot d’ordre le plus dominant : "que l’Exécutif se débrouille, nous on prépare les primaires". C’est parfait pour nous car, laissé seul, l’Exécutif aura du mal à nous battre. Et quand ses opposants seront enfin prêts pour leurs combats de l’agenda d’avant, ils ne pourront que constater que cet agenda n’est plus à l’ordre du jour. Heureusement pour nous, cet agenda est pour eux une sécurité qui les protège et qui nous protège de toute coalition dangereuse pour notre combat.

Il y a les institutions religieuses qui ne veulent probablement pas s’aliéner leurs fidèles : leur silence est d’or.

Il y a la société civile : on est contre, un point c’est tout. Aucune inventivité qui nous aurait vraiment gêné. Les restaurateurs ne développent aucune initiative autre que l’expression d’une colère à la recherche d’un micro – ou tout au moins, s’il y en a, elles restent suffisamment discrètes pour ne pas nous gêner.

Il y a les grandes figures. L’instrumentalisation de la "Fille de Brest" a fait long feu, mais cela a pu nous aider au moins un moment. Malheureusement, elle a fortement réagi, ce qui était prévisible et montre bien que nos troupes ont encore des progrès à faire.

On aurait pu craindre que l’arrivée d’un Messi donne lieu à des initiatives surprises qui nous auraient un peu chahuté, comme le lancement d’une campagne Messi-Pfizer sur le mode

"Demandez le Messi" qui aurait pu dynamiser certains fan clubs. Mais, heureusement, on en est resté à la vente de maillots. Aucun problème pour nous.

Bref, ce n’est plus une "crise". Voici le Trou Noir qui vient prestement aspirer et engloutir l’ensemble, tous azimuts. Un tout autre défi que nous leur imposons désormais, d’autant que nous faisons jonction avec d’autres Trous Noirs qu’il s’agisse du climat et de ses désastres globaux et immédiats ou de l’engloutissement Taliban, avec cette image si dévastatrice de l’hélicoptère US au-dessus de l’Ambassade, signant la débâcle américaine et laissant un théâtre d’opération totalement livré au confinement le plus sombre. Ce que les Talibans vont nommer "Liberté" – mot si mobilisateur pour nos suppoters qui, heureusement, ont su le vider de tout contenu.

VIGILANCE : il nous faut toutefois être prudents. L’adversaire continue à se battre, contre vents et marée. Les soignants et professionnels du secours ne lâchent rien. Des forces d’appui sont mobilisées et injectées en soutien des fronts en difficulté. Les vaccinations se poursuivent. Des médias font un travail critique qui peut nous nuire. De grandes figures citoyennes sortent de leurs rangs et insistent sur le fait que la bataille doit être gagnée et le sera, que le pessimisme n’est pas de mise, que la confiance est requise et permise.

Donc attention !

Patrick Lagadec

04/09/2021

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