Quels droits face aux innovations numériques ? 

09/03/2021 - 3 min. de lecture

Quels droits face aux innovations numériques ?  - Cercle K2

Le Cercle K2 n'entend donner ni approbation ni improbation aux opinions émises dans les publications (écrites et vidéos) qui restent propres à leur auteur.

Myriam Quéméner est Avocat général près la Cour d'appel de Paris et Clément Wierre Avocat en droit pénal des affaires.

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Il tient du truisme de soutenir que le monde "cyber" est un espace sans frontière. Les technologies numériques abolissent les distances qui séparent les individus et les sujets de souveraineté – songeons simplement aux lois à portée extraterritoriale –  et apparaissent comme un véritable défi.

Récemment, la pandémie du Covid-19 a fait également apparaître l’atténuation des frontières entre sphères professionnelle et privée, avec en particulier le développement intensif du télétravail, et mis au jour l’inadaptation de certaines entreprises et administrations face aux innovations numériques.

Au-delà, une autre perméabilité des frontières apparaît, moins évidente pour les non-initiés : l’atténuation des distinctions juridiques classiques. En effet, les domaines du  droit se panachent de plus en plus, alliant des réglementations strictes à la soft law, la régulation et la compliance ou bien encore en ignorant les limites du droit privé et du droit public. 

En matière de cybercriminalité, plutôt que les peines classiques d’amende et l’emprisonnement, le législateur apporte des réponses relevant de l’administratif, comme le blocage ou le déréférencement. Aussi, avec le développement sans précédent d’Internet et plus particulièrement des réseaux sociaux, la matière des infractions de presse a dû tenir compte de phénomènes nouveaux tels que les fake news ou du cyberharcèlement. Le domaine, pourtant déjà complexe, s’est ainsi alourdi de nouvelles strates constituant autant de chausse-trappes pour le praticien.

De même, un sujet séculaire comme celui de la preuve, tant pénale que civile, est perturbée par le numérique. Certes, le bouleversement est d’abord quantitatif puisque les possibilités de conservation de la preuve sont quasiment infinies mais il existe d’autres spécificités de la preuve numérique beaucoup plus complexes à traiter faute de réponse univoque. À titre d’exemple, la problématique essentielle de l’intégrité de la preuve numérique impose de confronter les points de vue, le juriste ne pouvant ignorer le technicien et inversement. 

Très récemment, le régime classique de la preuve a également été soumis au défi posé par sa rencontre avec l’impératif de protection des données personnelles. Ainsi, le séisme des décisions de la CJUE du 8 avril 2014 (Digital Rights Ireland Ltd C-293/12 et C-594/12) et du 21 décembre 2016 (Tele2 Sverige AB, C‑203/15) sur les enquêtes pénales a été sans précédent et les effets n’ont pas fini de se faire ressentir. En matière civile, plus discrètement, des décisions ont commencé à faire apparaître la confrontation entre collecte de données personnelles et recueil de la preuve (TGI Paris, ordonnance de référé, 2 août 2019). 

Sans multiplier les exemples, on constate ainsi que les problématiques juridiques liées au numérique impose une vision transverse et que le domaine ne devrait pas seulement intéresser les spécialistes. Les acteurs publics et privés – juristes mais aussi ingénieurs  –, de même que les citoyens, doivent être en mesure d’appréhender ce nouveau champ de connaissances, qui comprend aussi bien les aspects techniques que leurs incidences législatives et réglementaires. Ceux-ci doivent comprendre les techniques pouvant affecter leur quotidien ainsi que les conséquences juridiques qui peuvent y être attachées. 

C’est face à ce constat que nous avons souhaité croiser nos regards de magistrat et d’avocat afin de répondre à la question des droits applicables aux innovations numériques. 

Nous avons souhaité apporter des réponses pratiques et opérationnelles. Pour cela, l’ouvrage dresse un panorama des enjeux, des principales menaces et les tendances liées aux nouveaux usages numériques. Il identifie les principaux acteurs publics et privés et leurs rôles : services enquêteurs et judiciaires spécialisés, acteurs privés et administrations chargées de réguler ce nouvel écosystème. 

Nous nous sommes également attachés à apporter une lecture transversale du sujet, en traitant – comme le reflète le choix du titre de notre ouvrage – des droits du numérique et non du droit du numérique. 

Myriam Quéméner et Clément Wierre

09/03/2021

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