Si j'étais Président de la république tunisienne...

23/10/2021 - 4 min. de lecture

Si j'étais Président de la république tunisienne... - Cercle K2

Le Cercle K2 n'entend donner ni approbation ni improbation aux opinions émises dans les publications (écrites et vidéos) qui restent propres à leur auteur.

Serge Delwasse est P-DG de CetraC.io.

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J'ai beaucoup voyagé depuis quelques années. J'ai vu de beaux pays, j'en ai vu de moins beaux. J'ai vu des pays disposant d'un patrimoine architectural, culturel, artistique exceptionnel, d'autres se contentant d'offrir aux voyageurs de jolies choses ou des choses intéressantes. Jamais je n'ai eu l'impression de perdre mon temps. Bien au contraire, j'ai, à chaque voyage, dans chaque pays, trouvé à m'enrichir. Puis, vint la Moldavie.

Je suis au regret de dire que la Moldavie n'a aucun intérêt. Je ne parle pas bien sûr de la Transnistrie, cette province séparatiste russophone, restée dans la nostalgie de l'Union Soviétique au point d'avoir conservé la statue de Lénine, et la faucille et le marteau. Non, je parle bien de la Moldavie, capitale Chișinău (prononcer Kichinaw à la roumaine ou, à la russe, Kichinieff). Sans entrer dans des considérations géopolitiques et historiques trop profondes, il y a deux territoires peuplés de roumains : la Roumanie, d'une part, sous influence passée partiellement austro-hongroise et ottomane, indépendante depuis la fin du XIXème siècle et, d'autre part, la Moldavie, province aux marches de l'Empire russe, sous le Tsar d'abord, puis au sein de l'Union Soviétique.

C'est là que la bât blesse. Alors que la Roumanie a successivement vu le pays construit par ses différents gouvernants étrangers, puis son propre gouvernement, jusqu'à un dictateur fou (Ceaușescu) qui a construit, comme tous les dictateurs fous, des monuments qui, s'ils sont laids, sont également superbes..., la Moldavie, petite province sans enjeu géographique autre que celui de donner de la profondeur stratégique et d'accueillir les juifs de l'Empire (la Bessarabie) ne passionnait pas les Tsars, au point qu'un seul a visité Kichinieff et que l'on s'en souvient encore.

Depuis la chute de l'Union Soviétique, la Moldavie a hésité entre Moscou et Bruxelles, entre l'indépendance et la Roumanie. Elle n'a pas bénéficié des aides de l'Union européenne qui, rappelons-le, construit des routes dans les pays de l'Est - nous reviendrons plus tard sur l'intérêt de construire des routes. Moyennant quoi, c'est aussi le pays le plus pauvre d'Europe et ceux qui veulent travailler partent (un quart de la population active serait expatriée, source Wikipedia).

Par ailleurs, les paysages sont d'une banalité à pleurer, les villes sont laides (elles ont été construites par les soviétiques) et il n'y a aucune richesse archéologique ou culturelle digne de ce nom. Bref, la Moldavie est un pays sans avenir et, si j'étais le président moldave, je demanderai le rattachement à la Roumanie, quitte à perdre définitivement la Transnistrie, qui est déjà perdue de toute façon.

En creusant un peu, on apprend que les Gagaouzes, population turcophone chrétienne, n'ont accepté de ne pas faire sécession qu'à condition que la Moldavie restât indépendante, mais je suis assez convaincu que, mis devant le fait accompli, ils resteraient au sein du nouvel ensemble.

Je fais partie de ceux qui sont convaincus qu'on ne peut être heureux que dans le beau. Je ne l'ai pas inventé. Pas mal de philosophes et de poètes l'ont dit avant moi. Certes, la notion de beau est toute relative. Il y a cependant des absolus. La Citroën GS était laide. La Citroën SM était sublimement belle.

Je prétends donc que les moldaves seraient plus heureux dans un pays qui comporte de belles choses, la Roumanie, qu'en restant indépendants. Pas le meilleur moyen de se faire des amis au sein de la communauté moldave, je note...

Il est intéressant de regarder le classement des pays par taux de suicide. Bien entendu, on ne peut prendre les chiffres bruts de manière absolue. Il est toutefois intéressant de comparer des pays proches. Groenland et Islande : l'Islande est un pays intéressant. Il bénéficie de trois facteurs du beau : il est propre et rangé - nous y reviendrons. Si l'architecture y est quelconque, il y règne une réelle harmonie, une recherche du beau. Enfin, les paysages sont sublimes. Le taux de suicides y est relativement bas et, en tout état de cause, 6 fois plus faible que celui du Groenland, qui jouit d'un climat relativement similaire.

On peut également comparer le Lesotho (prononcer Lesoutou) et le Eswatini (ancien Swaziland). Cest deux petits États ont beaucoup de choses en commun : ils sont tous deux enclavés en Afrique du Sud (même si le Eswatini a une frontière avec le Mozambique). Ils sont de taille et de population comparables, et sont tous deux dirigés par des monarchies corrompues. Mais il y a une différence de taille : l'Eswatini est propre, rangé, les routes sont en bon état, et le Lesotho est sale, sans urbanisme, sans architecture, bref, un pays qui donne l'impression d'avoir été laissé à l'abandon. Le ratio des taux de suicides entre les deux pays est de 1,5. CQFD.

"Tout n'est qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté". J'ai mis longtemps à comprendre ces deux vers de Baudelaire. À les comprendre à ma manière du moins : il fait ajouter l'ordre à la beauté pour obtenir le luxe, le calme et la volupté. C'est à dire le bonheur.

Venons-en maintenant à la Tunisie, objet avoué de cette déambulation intellectuelle. Le Tunisie vit en grande partie du tourisme (14 % du PIB avant le crise du Covid, ce qui est considérable, et pratiquement la fourchette haute des pays de plus d'un million d'habitants). Je me souviens de mes cours d'histoire - ou peut-être simplement de la lecture des Rois Maudits : au Moyen-âge, une année de mauvaise récolte, c'était la disette. Deux années de suite, et c'était la famine. Cela fait deux saisons touristiques, récolte des temps modernes, que manque la Tunisie. C'est dire que le pays est exsangue. On n'y mourra pas de faim dans la rue, certes. On ne meurt plus de faim depuis une trentaine d'années, mais le choc est rude. Un chiffre, parmi d'autres : à Noël, sur 120 hôtels à Djerba, 7 étaient ouverts...

Alors, que faire ? Je propose à Monsieur Kaïs Saied, jeune Président tunisien, un plan d'actions en trois phases :

  1. La première phase consiste à commander massivement des vaccins de manière à ne pas rater la saison touristique 2022. À raison de, en arrondissant, 20 euros la dose et pour 10 millions d'habitants - très bientôt, on vaccinera les enfants, ce n'est qu'une question de semaines -, cela fait un investissement de 400m€.
  2. Le seconde phase consiste à lancer un vaste programme de réfection des routes. C'est le retour de la Tennessee Valley Authority de Roosevelt, mais plus ciblée : les routes permettront de faire repartir le tourisme car les touristes ont besoin de rouler et qu'ils ont l'habitude de routes confortables. Raisonnement simpliste certes, mais qui tient la route - si vous me passez ce jeu de mots en fin de tribune.
  3. La dernière, enfin, mais la plus spectaculaire, sera la recherche du beau. Et le beau commence par nettoyer et ranger. Alors que la Tunisie est un pays superbe, qui détient des trésors de l'Histoire de l'humanité - de Carthage au village de la Guerre des Étoiles, le pays n'est pas beau. Il faut avoir parcouru les routes de Tunisie pour constater que, partout, les sacs en plastique bleus forment des taches qui gâchent tout.

Voilà ma proposition, Monsieur le Président : vous arrêtez l'économie pendant trois jours. Ne subsistent que les services d'urgence. Et vous proposez à toute la population de ranger. Gratuitement. Une sorte de travaux d'intérêt général. Je suis certain que, si tout le monde s'y met, vous aurez transformé littéralement votre pays.

Une population vaccinée. Des routes refaites. Un pays beau et rangé. Nul doute que le tourisme repartira.

Serge Delwasse

23/10/2021

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