PLANETE A – PLAN B : faire société pour l’essentiel

27/10/2020 - 5 min. de lecture

PLANETE A – PLAN B : faire société pour l’essentiel - Cercle K2

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Florian Delmas est Directeur général de l’entreprise familiale multi-locale Andros et auteur du livre manifeste PLANETE A – PLAN B : faire société pour l’essentiel. Dans son livre, Florian Delmas, jeune dirigeant de 35 ans, partage ses réflexions, ses convictions et ses propositions pour réconcilier écologie et économie. Pour lui, l’entreprise peut contribuer à l’avènement d’une nouvelle ère de progrès : la "Citessentielle".

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Le constat est sans appel : il est urgent d’agir pour rééquilibrer nos écosystèmes, perturbés par plus d’un siècle d’industrialisation et d’urbanisation débridées. Il n’est plus possible de continuer à penser les décisions économiques dans une seule logique de rentabilité. C’est une nouvelle définition du progrès qu’il nous faut inventer, un autre modèle de développement économique qu’il nous faut repenser. Un modèle qui intègre le bien-être de notre planète et de ses habitants, présents et futurs. Abandonner le superflu, faire société pour l’essentiel et reconnecter l’homme à son environnement : telles sont les bases de l’idée courageuse de la Citessentielle.

La Citessentielle... Certains mots sont tellement surutilisés, galvaudés, voire dévoyés, qu’ils finissent par perdre la force et la clarté de leur sens premier. C’est le cas des termes "économie" et "écologie", que beaucoup voudraient opposer et qu’il s’agit pourtant de réconcilier. Pour y voir plus clair, malgré la complexité et parfois la confusion des idées, il peut être utile de retourner à la source étymologique des mots.

Économie et écologie empruntent le même préfixe "éco", du grec "oikos", "la maison". Cette maison qui "brûle" alors que "nous regardons ailleurs", comme le soulignait Jacques Chirac, en 2002, à Johannesburg. Cette maison que nous habitons tous, humains et autres êtres vivants : la planète et sa fine couche d’atmosphère, la biosphère, notre écosystème. L’écologie – qui utilise le suffixe "logie", du grec "logos" – signifie, littéralement, "la science de la maison", et donc l’étude des écosystèmes et des interdépendances entre les humains, les autres êtres vivants et leur environnement... Tandis que l’économie – qui intègre le suffixe "nomie", du grec "nomos" – désigne "l’administration, la gestion de la maison".

Aujourd’hui, l’économie est devenue dominante sur l’écologie. Autrement dit, l’administration de la maison, qui n’est finalement qu’une composante de notre écosystème, prend le pas sur la maison elle-même. Or, le plus important, le plus fondamental, le plus essentiel, c’est bien notre environnement et cette fine couche d’atmosphère indispensable à la vie humaine, à la biodiversité et à l’équilibre de notre écosystème.

Si notre système économique, tel qu’il a été construit, perturbe et déséquilibre notre écosystème, c’est que le mode de gestion et d’administration de notre maison commune n’est pas bon. Il faut donc trouver un plan B pour notre planète qui, elle, n’offre pas d’alternative. Dans le modèle de la Citessentielle que j’appelle de mes vœux, la "cité", c’est la maison, notre maison, notre planète... Et "l’essentiel", c’est la connexion des individus à cette maison commune et aux fondements de la vie. Et c’est cette reconnexion à l’essentiel qui fonde l’impératif vital de la régulation carbonée et de l’enrichissement de la biodiversité, ou encore la nécessité d’évoluer vers une alimentation et une mobilité raisonnées, mais aussi vers une consommation responsable, une revitalisation des territoires et une éducation écocitoyenne. C’est cette reconnexion qui oblige à redéfinir notre façon et notre raison d’être en tant qu’être humain, retrouver un rapport au temps long et à la transmission, se reconnecter aux autres et retrouver le sens de l’altruisme et du collectif.

Entre le monde des affaires dans lequel j’évolue et mes racines rurales, j’aimerais aujourd’hui être un trait d’union. En tant que père d’abord, mais aussi en tant que dirigeant d’entreprise. Car diriger oblige. Diriger une entreprise industrielle oblige à choisir les bons caps, dans un environnement de plus en plus complexe. Diriger une entreprise industrielle oblige à développer et enrichir un système de production de biens ou de services rentables, créateurs d’emplois, au sein même d’un écosystème humain et environnemental préservé, voire enrichi. C’est en tous cas ma vision de l’entrepreneuriat. Et si l’entreprise est souvent citée comme étant la cause de nos problèmes de sociétés modernes, ma conviction est qu’elle est au cœur de la solution économique, sociale et environnementale pour entreprendre une nouvelle ère de progrès.

Les entreprises se retrouvent de fait au cœur de la transformation permettant le passage de l’ère industrielle à l’ère de la Citessentielle. Elles disposent en effet de toutes les ressources nécessaires pour engager, de manière concrète et efficace, les changements indispensables à cette transition. Dès lors que leur "logiciel" intègre une vision multicentrique – et non une vision mon-centrée ou anthropocentrée -, elles détiennent les clés techniques, financières et sociales pour bâtir une nouvelle ère de progrès. Pour beaucoup d’entre elles, la question n’est même plus de savoir si elles seront actrices de cette transformation mais bien de savoir si elles survivront à ce changement imposé.

Au-delà des considérations entrepreneuriales, les indicateurs de pilotage établissant l'ordre mondial ne peuvent se résumer à un indicateur de revenu : le Produit Intérieur Brut (PIB). Le PIB est l'indicateur économique qui permet de quantifier la valeur totale de la production de richesse annuelle effectuée par les acteurs économiques résidant à l'intérieur d'un territoire. Il érige donc la capacité d’un État à générer plus de revenus qu'un autre, quelle que soit la raison ou la façon d’y parvenir, comme garante de son succès. Qui plus est, cet indicateur est présenté comme étant la garantie de la justice sociale. Si nous convenons que la résilience d'une société ne peut se réduire à un indicateur exclusivement économique, nous convenons également qu'une approche plus systémique couplant les composantes économiques, écologiques et sociales doit s'établir comme principal socle de la Citessentielle. Plutôt que de raisonner en termes de revenu généré, il serait plus juste de penser le résultat. Autrement dit, si la justice sociale dépend d'une composante économique, elle dépend en outre d'une composante écologique, et l'enjeu prioritaire de ce siècle doit être la régulation carbonée. Il faudrait donc soustraire au PIB une Charge Carbone Intérieure Nette (CCIN et ainsi établir le Résultat Intérieur Brut (RIB) ou Indice ECO (IE) comme nouvel indicateur de développement). Cet indice serait l'indicateur ECOnomique et ECOlogique qui permettrait de quantifier et de qualifier plus justement la valeur totale de la production de richesse annuelle effectuée par les acteurs économiques résidant à l'intérieur d'un territoire. Certes, cette approche restera toujours imparfaite tant le sujet est complexe et multifactoriel, mais elle a le mérite d'enrichir une vision purement quantitative par une pondération qualitative désormais essentielle.

Un tel pas en avant ne pourra se faire qu’à la condition d’une mobilisation et d’une coordination sur la base d’enjeux renouvelés, audibles de tous, pour un bien commun mondialisé. La Citessentielle est à portée de main, elle constitue une formidable opportunité pour l’Europe et pour notre nation. Après tout, n’ont-elles pas toutes deux étés construites sur ce que certains qualifiaient aussi "d'utopies" ?

Florian Delmas

27/10/2020

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