Le Cercle K2 n'entend donner ni approbation ni improbation aux opinions émises dans les publications (écrites et vidéos) qui restent propres à leur auteur.
Le Général (2s) Jean-Pierre Meyer a accompli une partie de sa carrière dans le renseignement et les opérations. Il a notamment été directeur des opérations à la Direction du renseignement militaire puis directeur au Comité Interministériel du Renseignement au Secrétariat Général de la Défense Nationale. Il a accompli, par ailleurs, plusieurs séjours en opérations extérieures notamment à Sarajevo comme commandant en second des forces multinationales.
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4 Juillet 1989. Le Président Gorbatchev est en visite d’État à Paris. Cette visite est l’occasion pour le Président François Mitterrand (PR) de sonder son hôte sur l'évolution de la perestroïka qui intrigue notamment les capitales occidentales.
Selon le protocole, le PR est allé l’accueillir à l’aéroport d’Orly. Après les discours de bienvenue d’usage, toutes les personnalités prennent place à bord des hélicoptères qui vont les déposer sur le Rond-Point des Invalides après un vol au-dessus de la capitale et une vue toujours aussi superbe. À leur descente d’hélicoptère, les deux Présidents s’installent dans une limousine spéciale qui s’insère dans un cortège de voitures escortées par les cavaliers de la Garde Républicaine. Au passage, le PR montre à Gorbatchev le Dôme des Invalides restauré qui brille de tous ses ors, sans pour autant, cela va de soi, faire « concurrence » au Kremlin.
Dans la voiture, la conversation n’est pas toujours fluide, surtout lorsque l’on ne souhaite pas aborder les problèmes politiques avant les séances prévues à cet effet. Voulant rompre le silence par un sujet léger, le PR fit remarquer à son hôte combien les cavaliers de la Garde avaient fière allure ! « Avez-vous aussi à Moscou des gardes à cheval pour les escortes ? » « Vous savez, Monsieur le Président, il y a bien longtemps que nous n’avons plus de chevaux dans notre armée. D’ailleurs, dans un pays moderne, nous aurions du mal à trouver des personnes qui sachent encore s’en occuper ! », lui répondit Gorbatchev amusé et visiblement satisfait de sa répartie. Un nouveau et long silence s’en suivit !
Le lendemain soir, avant le traditionnel diner d’État à l’Élysée, un bref échange à l’occasion de l’apéritif a lieu dans le Salon des Ambassadeurs entre le PR, Gorbatchev et le Premier Ministre, Michel Rocard. L’ancien président de l’URSS est très en forme et, comme à son habitude, plutôt jovial et l’œil malicieux. Qui aurait pu imaginer, à ce moment là, que quelques mois plus tard un événement planétaire allait se produire à Berlin entraînant la chute de l’URSS !
Pour détendre l’atmosphère, Gorbatchev rapporte la conversation qu’il a eu le matin même après la cérémonie traditionnelle de dépôt de gerbe sur la tombe du soldat inconnu avec le Général Gouverneur Militaire de Paris, au sujet de la météo du jour, qui était excellente, alors qu’il pleuvait à verse la veille lors de l’arrivée à Orly : « Général, est-ce le pouvoir civil ou militaire qui a commandé le beau temps ce matin ? », « Le pouvoir militaire, Monsieur le Président ! » Et Gorbatchev de rire de bon cœur de la réponse.
Cette réplique amusante fit rire le PR et enjoua Rocard mais celui-ci, voulant sans doute partager un trait d’esprit qu’il crut à-propos, ajouta : « Que voulez-vous, nous avons tous nos militaires ! ». Or, quelques militaires français étaient présents dans le salon (dont l’auteur de ces lignes) et une telle observation ne leur renvoyait tout de même pas une image très flatteuse. Ennuyé et sentant bien la gêne que son observation avait laissé s’installer, Rocard voulut rattraper le coup par un hommage à l’armée : « Je bois quand même à la santé de l’armée ! ».
Gorbatchev observa cette scène dont il était à l’origine d’un œil intrigué mais pas surpris et le PR, quant à lui, était très amusé par la maladresse de son Premier Ministre avec lequel il entretenait, comme chacun le sait, des relations ambiguës. Jamais avare d’une occasion de pointer de telles maladresses, le PR se tourna vers Rocard et lui dit : « Vous avez raison Monsieur le Premier Ministre de ménager l’armée... avec les militaires on ne sait jamais ! » Dans un même élan, il entraina, dans la bonne humeur, ses hôtes et les autres convives pour le diner dans la salle des fêtes que les autres invités avaient déjà rejoints.
Général (2s) Jean-Pierre Meyer
22/04/2020