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Benjamin Meisse est chargé d'études senior chez CEGEDIM et lauréat du Trophée K2 "Communication et marketing", édition 2017.
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Le 27 janvier dernier, Geoffroy Roux de Bézieux, Président du MEDEF, résumait sur Thinkerview en quelques mots : "il y a un sujet qui nous pose un problème, c’est la domination des GAFAM. Car toute la croissance de l’économie vient du numérique et nous sommes entre les mains de quelques monopoles mondiaux"[1].
Ces empires de l’information ont en effet un avantage comparatif, la donnée, pierre angulaire de leur modèle économique, permettant un ciblage publicitaire très précis. Pour Facebook, cela représente 98 % de ses revenus, et c’est dans l’ensemble de ces données qu’ils collectent et possèdent, qu’ils puisent pour maintenir leurs monopoles et s’étendre à de nouveaux marchés. De fait, que les hommes en soient conscients ou non, qu’ils le veuillent ou non, la donnée façonne aujourd'hui le monde économique matériel comme immatériel[2].
Comment façonne-t-elle l’univers des dirigeants d’entreprise ?
En elle-même, une donnée brute n’a aucune valeur. Elle ne l’acquiert que par sa numéricité, sa volumétrie, son interopérabilité et sa fiabilité. C’est précisément ce dernier point qui font des données financières les données les plus prisées par les dirigeants.
Fiables, les données financières le sont notamment grâce à la nomination obligatoire d’un commissaire aux comptes qui certifie que les comptes annuels sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la personne ou de l'entité à la fin de cet exercice[3].
En outre, ces données normées sont d’autant plus facilement assimilables par les dirigeants qu’elles sont leur langage courant, qu’elles permettent de quantifier le réel et l’immatériel, qu’elles écrivent le passé et permettent parfois d’anticiper l’avenir.
Dès lors, les dirigeants leur accordent leur confiance et peuvent (faire) traiter les données financières pour permettre deux choses : accroître leur faculté d’arbitrage et réduire les risques quant aux stratégies économiques et commerciales à adopter. Si l’arbitrage s’exerce toujours sur le temps, en fonction des budgets et des ressources humaines, il se décline sur une grande variété de thèmes : acquisition des ressources, vente de la production, acquisition de capital, croissance externe, etc.
À partir du moment où l’on sort de l’univers chiffré, c’est l’information qui prend le relais dans les grilles de lecture du dirigeant. En elle-même, une information n’a aucune valeur, tout comme la donnée. Sa valeur s’apprécie au regard d’un contexte et de qualités subjectives : sa confidentialité, son utilisabilité, son actualité, etc. Sa fiabilité est sans doute la qualité la plus mise à mal. Celle-ci est d’autant plus faible que les mentions légales de la plupart des médias d’informations (les omissions, les inexactitudes, les carences, pour ne pas dire les intox) impliquent qu’elles ne peuvent conduire les possesseurs de ces médias à en être responsables. La démarche est ici l'inverse de celle d’un commissaire aux comptes ; l’information n’y est pas certifiée juste mais susceptible d’être erronée, voire fausse.
C’est probablement ce qui fait que l’information s’avère beaucoup plus difficilement fiable que la donnée et donc plus difficilement interprétable. Elle demeure pourtant essentielle aux dirigeants d’entreprise qui consacrent énormément de temps à la recherche d’informations. Ils s’orientent vers ceux qui partagent les mêmes codes qu’eux, la complicité d’un même monde : leur réseau et les collaborateurs proches. Un échange verbal où la qualité de l’information et donc sa crédibilité est apportée par l’interlocuteur, si tant est que le dirigeant de l’entreprise puisse avoir le temps à consacrer à son réseau, chose parfois délicate pour les patrons de TPE et PME.
L’information contrebalance ainsi l’univers du reporting loin d’être taillé sur mesure mais ayant malgré tout une utilisabilité intrinsèque. L’information est avant tout un domaine plus humain et plus collaboratif que la donnée, mais partage avec cette dernière les mêmes buts : accroître la faculté d’arbitrage et réduire les risques stratégiques. Car l'enjeu pour le dirigeant est d'optimiser par la donnée et par l’information sa capacité à déterminer le couple risque / rendement de sa stratégie pour l’entreprise.
Malgré cela, "les entreprises se rendent vite compte que non seulement leurs perceptions des marchés se révèlent rarement exactes, mais qu’en plus, elles n’ont qu’un pouvoir explicatif assez faible sur l’aboutissement d’une manœuvre concurrentielle"[4]. Témoignage que sans doute un surplus d’informations serait le bienvenu pour les aider à mieux apprécier leurs marchés et leurs concurrents.
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[1] https://www.youtube.com/watch?v=x6qsHdJNn1E
[2] Voir à ce propos les ouvrages de Guillaume Pitron : La guerre des métaux rares et L'enfer numérique.
[3] C. com., art. L. 823-9.
[4] Philippe Baumard, Le Vide Stratégique.
21/02/2022