[Groupe K2] Pour une approche pragmatique du "Big Data"
18/12/2022 - 5 min. de lecture
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Ilan Ouanounou est Customer goods & services executive.
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Le pétrole est connu depuis l’antiquité, mais il aura fallu attendre 1859, soit 30 siècles plus tard, pour que les techniques de forage inventées par Edwin Drake permettent son usage à l’échelle industrielle.
Qui n’a jamais entendu l’expression : "Data is the new oil !". De fait, des zetabytes de données sont produites (ou jaillissent) chaque jour dans tous les secteurs économiques et l’acception générale nous amène à imaginer ces données comme une nouvelle ressource économique.
Chacun est en effet conscient de la richesse sous-jacente à l’exploitation de ces données, mais peu d’acteurs économiques en font réellement l’usage de façon massive et industrielle. Encore moins peuvent attester d’un lien direct entre l’usage de la donnée et la performance du business. Il y a certes Amazon, Meta ou Google qui ont fait de la "data" le centre de leur business model et l’essentiel de leurs profits. Ces GAFAM avaient d’ailleurs conçu cette étape dès leurs origines. Cependant, la plupart des entreprises plus traditionnelles, y compris les plus digitalisées d’entre elles, peinent encore à saisir l’opportunité de l’exploitation de la data à grande échelle.
Quelles sont les raisons de cette inertie ?
La donnée n’a aucune valeur en soi. C’est son usage qui en a. Or, l’exploitation de la donnée nécessite un effort et des ressources importantes : collecter, organiser, structurer, croiser, modéliser, analyser, mettre en forme, traduire en "insights", convertir en actions, mesurer les résultats, corriger… et ainsi de suite. Du fait de l’intensité de cet effort, le retour sur investissement est rarement évident. Par ailleurs, ce sujet, éminemment technique, est souvent confié aux équipes IT, souvent éloignées des préoccupations quotidiennes du business, et finit par se noyer dans la liste des priorités. Combien de projets titanesques de création de "datalakes", c’est-à-dire de nettoyage complet et organisé de la donnée ont échoué après de lourdes dépenses. La donnée est répartie dans de nombreux systèmes informatiques (flux financiers, CRM, etc.) qui n’ont pas été conçus pour communiquer entre eux. La création de ponts entre ces systèmes est complexe.
Il s’agit donc de poser le sujet de la data autrement, comme on poserait n’importe quelle autre question business : quel objectif l’entreprise poursuit-elle ? Comment la data peut-elle contribuer à l’atteinte de cet objectif ? Les entreprises poursuivent des objectifs simples : augmenter le chiffre d’affaires et les profits, satisfaire et fidéliser ses clients, engager et développer ses employés, optimiser ses coûts, contribuer positivement à la société.
Comment la data peut-elle alors concrètement contribuer à ces objectifs, d’une façon à optimiser le rapport entre l’effort et le résultat ?
Les exemples les plus réussis sont les plus pragmatiques. Il s’agit de définir une liste limitée de "cas d’usage", c’est-à-dire une série de questions concrètes à résoudre, directement liées à la performance du business, qui font appel à des séries de données facilement accessibles, et dont le résultat est mesurable. C’est en se limitant à ces quelques cas que les ressources marketing et IT peuvent être allouées de façon efficace dans la durée et que les projets d’exploitation de la data ont une chance d’aboutir à des résultats business tangibles.
Il existe deux types principaux de cas d’usage que nous pourrions qualifier ainsi : les "data-powered solutions" et les "business improvement use cases". Les premiers sont des produits finis résultant d’une combinaison intelligente de données. Les deuxièmes sont des algorithmes d’analyse aboutissant à des conclusions de nature à informer une décision.
Dans le but d’illustrer ces deux types de cas d’usage par des cas réels, prenons l’exemple de la société Edenred. Edenred est une entreprise française, leader mondial de l’argent fléché. Parmi ses activités, Edenred opère une plateforme digitale d’intermédiation pour proposer des avantages aux salariés tels que les titres-restaurant, les titres-cadeaux, titres-mobilités, etc. De ce fait, Edenred établit une connexion digitale entre trois types de parties prenantes : les entreprises clientes (qui octroient les avantages aux salariés), les salariés (qui en bénéficient comme complément de salaire et y ont accès grâce à une carte de paiement et une application mobile), et les partenaires marchands (les commerces où cet argent est dépensé). Edenred se rémunère ainsi en prenant une commission de gestion auprès de ses clients et une commission d’apport d’affaires auprès de ses partenaires marchands. Du fait des millions de transactions quotidiennes, Edenred collecte une grande quantité de données, dont l’exploitation pertinente peut être créatrice de valeur
Dans le cas d’Edenred, une "data-powered solution" est par exemple un tableau de bord dynamique, accessible à tous les partenaires marchands, donnant une lecture de leur activité liée au titre-restaurant : le trafic de visiteurs, le panier moyen, la part de marché au sein d’une zone de chalandise, des benchmarks concurrentiels, etc. Cela permet au marchand de mesurer son activité et de s’ajuster à sa concurrence, et à Edenred d’apporter des services à valeur ajoutée à ses partenaires et de renforcer leur fidélité. La réalisation d’un tel tableau de bord nécessite la modélisation et le traitement d’un grand nombre de données internes et externes, et une visualisation simplifiée.
Un deuxième cas d’usage chez Edenred porte cette fois sur le "business improvement" et traite le sujet du "churn", c’est-à-dire de la perte de clients. On dit que l’acquisition d’un nouveau client coûte 3 à 5 fois plus cher que sa fidélisation. Alors comment prédire qu’un client a une forte probabilité d’être perdu ? Quels signaux avant-coureurs doivent être identifiés ? Quelles séries de données doit-on collecter et croiser pour engendrer des alertes ? Quelles actions prendre par anticipation sur la base de ces alertes afin d’éviter la perte du client ? Ce sont les travaux menés par Edenred pour créer des systèmes d’alerte pour ses commerciaux, sur la base de la modélisation algorithmique d’un grand nombre de données : la fréquence et le montant des commandes, les taux de défaillance de société par secteur, le nombre d’appels reçus, etc. Ce deuxième "cas d’usage" permet d’optimiser les coûts d’acquisition client en agissant suffisamment tôt sur les motifs d’insatisfaction facteurs de "churn".
Si nous devions simplifier le propos, nous pourrions le résumer ainsi : une approche pragmatique de la data, fondée sur des préoccupations business réelles, est le meilleur chemin vers une exploitation rentable des gisements de ce "nouveau pétrole".
Cette Tribune s'inscrit dans le cadre du Groupe K2 "Enjeux du Big Data" composé de :
Kevin Dumoux est Co-créateur du Cercle K2, Conseil en Stratégie, Transformations digitales et M&A - Messaoud Chibane (PhD) est Directeur du MSc Finance & Big Data, NEOMA Business School, Lauréat du Trophée K2 "Finances" 2018 - Shirine Benhenda (PhD) est Experte en Biologie moléculaire, données OMICS - Sonia Dahech est Directrice CRM, Trafic et Data omnicanal chez BUT - Franck DeCloquement est Expert en intelligence stratégique, Enseignant à l'IRIS et l'IHEDN, Spécialiste Cyber - Franck Duval est Administrateur des Finances publiques, Directeur adjoint du pôle gestion fiscale, DDFiP 92 - Yara Furlan est Trader Social Media chez Publicis Media - Jean-Baptiste Harry est HPC & AI Solution Architect & pre sales EMEA chez NEC Europe - Timothé Hervé est Risk Manager à la Banque de France - Aurélie Luttrin est Président, Eokosmo - Yann Levy est Data Analyst, Expert BI - François Marchessaux est Senior Partner, Franz Partners - Conseil en Stratégie & Management - Aurélie Sale est Coach Agile chez Renault Digital - Jun Zhou est Entrepreneur, Lecturer & Consultant in Chinese Social Media
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