Plaidoyer pour une fonction Sûreté créatrice de valeur
08/06/2020 - 6 min. de lecture
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Gonzague Manet est Responsable Sûreté du Groupe FDJ.
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La fonction Sûreté globale[1] apporte de nombreuses réponses - encore bien trop inexploitées - aux menaces auxquelles se trouvent confrontées les entreprises. Le contexte actuel, particulièrement instable, exacerbe de surcroît les vulnérabilités de leur patrimoine dont la protection est précisément la raison d’être de la Sûreté.
La malveillance, qu’elle cible les collaborateurs, les infrastructures ou encore les actifs immatériels (réputation, savoir-faire, informations de toutes natures), trouve en effet dans la crise COVID-19 de multiples opportunités pour s’exprimer. Les directions Sûreté ont souvent été en première ligne et pourraient de fait trouver dans ces circonstances une nouvelle légitimité pour démontrer comment elles peuvent sécuriser l’activité de l’entreprise dans le but d’en assurer la pérennité et le développement, consacrant ainsi leur statut de business partner.
Pourtant, force est de constater que le positionnement de la Sûreté demeure souvent très éloigné de cette perspective faute d’une vision claire et d’une communication active. À cela, deux raisons principales : une culture Sûreté peu mature voire inexistante et l’identification (erronée en réalité pour peu qu’on se donne la peine de démontrer le contraire) à un centre de coûts ce qui en cette période de plans d’économie fait figure d’handicap quasi insurmontable.
La Sûreté est - c’est incontestable - une fonction à mission au sein des entreprises : il est essentiel de donner du sens et de la visibilité à son action face à des salariés en demande croissante de protection. Ce qui suppose une démarche structurée et autant que possible innovante.
Le « Security Branding » : une autre image de la Sûreté pour plus de Sûreté
Ce concept - l’approche marketing de la Sûreté - est né d’un triple constat malheureusement fréquemment éprouvé en entreprise : celui d’une fonction Sûreté qui souffre d’un déficit d’image, qui est trop éloignée du core business de l’entreprise et dont l’efficacité demeure fortement liée à l’adhésion des salariés.
Le succès de toute démarche de Sûreté reste en effet fortement conditionné par la balance entre la perception positive du collaborateur (bénéfices qu’il obtient de la Sûreté : protection de son intégrité physique, couverture de la responsabilité d'une direction générale, avantage concurrentiel) et sa perception négative (coûts associées, contraintes subies, atteintes supposées à sa liberté).
Il convient donc d’agir sur cette perception en créant de la valeur autour de la Sûreté. Or, la création de valeur est au fondement du marketing qui accorde une place importante à la gestion de l’image de marque, ce qui correspond littéralement à la définition du branding.
À travers le Security[2] Branding, il s’agit donc de changer l’image de la Sûreté en suivant une approche marketing pour favoriser l’adhésion des collaborateurs et renforcer ainsi le niveau de Sûreté.
Pourquoi créer une marque Sûreté ?
Au cœur du marketing, il y a la notion de marque. L’objectif est ici de faire naître une marque Sûreté à l’identité forte, critère indispensable pour susciter l’intérêt des collaborateurs et leur identification à la fonction Sûreté.
Cette marque doit être associée à un logo, une signature de marque (son slogan : « Protégeons notre Patrimoine ! »), des valeurs revendiquées (bienveillance, innovation, performance), et s’appuyer sur des vecteurs : des formules choc (« Tu t’es vu sans ton badge ! »), des produits dérivés (goodies), des mascottes de marque.
Il convient ensuite de définir ce qu'est la mission de marque, à savoir ce que la marque Sûreté souhaite apporter à ses clients internes comme externes. Par exemple : « le juste niveau de Sûreté pour tous », proposition intéressante car elle sous-tend que le dispositif Sûreté est optimisé - y compris financièrement - sans aucun compromis pour la protection des actifs de l’entreprise.
Pour exploiter toute l'influence d'une marque Sûreté, deux prérequis apparaissent essentiels :
- le dispositif humain, technique et organisationnel de la direction Sûreté doit être performant et adapté en continu aux menaces auxquelles est confrontée l’entreprise (via une cartographie des risques de Sûreté, associée à un tableau de bord opérationnel/stratégique),
- l’offre de Sûreté n’est pas seulement centrée sur l’expertise propre de la fonction Sûreté : elle prend nécessairement en compte les attentes/besoins de ses clients - les salariés - exprimés à travers un baromètre annuel, son étude de marché en quelque sorte.
Comment au final obtenir l'adhésion des salariés à la démarche de Sûreté ?
Un storytelling percutant, racontant l’histoire d’une Sûreté bienveillante et business partner, doit permettre d’emporter la conviction des salariés. Il exprimera simplement la vision incarnée par le Directeur Sûreté et balise sa stratégie, cette trajectoire - évolutive au gré des modifications de l’environnement de l’entreprise - vers le juste niveau de Sûreté.
La démarche gagnera à être conduite en dehors du périmètre fonctionnel de la Sûreté, là où l’on ne l’attend pas, pour avoir plus d’impact. Par un engagement fort dans des projets de l’entreprise que sont la transformation digitale, l’innovation RH, la RSE ou encore la performance financière… Quoiqu’en pensent certains, la Sûreté y a toute sa place pour autant qu’elle s’en saisisse !
Le message sera porté par une communication active et atypique, structurée autour d’un plan de communication intégrant notamment l’élaboration de supports divers (roll-ups thématiques, vidéos, infographies) aussi digitalisés que possible (via des outils collaboratifs et interactifs), ou encore de manière plus originale au moyen de mascottes animées par des comédiens. Elle pourra également s'appuyer sur des opérations promotionnelles, des « Vis ma vie », des quiz sur l’intranet ou le réseau social de l'entreprise avec remise de cadeaux aux gagnants.
Le tout sur un ton « raisonnablement décalé » afin d'éviter le caractère trop institutionnel de nombreuses sensibilisations qui rebutent les collaborateurs, en particulier ceux issus des plus jeunes générations.
Quel impact sur le niveau de Sûreté ?
Le Security Branding est un concept efficace, innovant et surtout facilement transposable, y compris à l’étranger pour autant qu’il s’adapte aux codes culturels locaux.
Appliqué en entreprise, il permet d'y renforcer significativement la culture Sûreté auprès des salariés.
Parmi les résultats marquants obtenus :
- une notoriété « top of mind » et une forte attractivité du service Sûreté,
- une audience accrue sur les canaux de communication corporate,
- un taux de satisfaction élevé des collaborateurs dans l'exécution des prestations de Sûreté,
- et surtout, car c’est bien là l’objectif, un renforcement du niveau de Sûreté à travers l’adoption plus spontanée des bons usages comportementaux (port du badge, respect de la confidentialité de l’information) car connus et compris.
La fonction Sûreté répond de manière croissante à des enjeux de conformité légale ou réglementaire (code du travail, code pénal, droit des affaires, RGPD, Sapin 2…) ou normative (normes ISO 27001 sur la protection de l’information, ISO 22301 sur la continuité d’activité), étonnamment encore trop souvent ignorés des dirigeants d’entreprise, mais qui à eux-seuls devraient suffire à la légitimer. Elle garantit également un environnement sécurisé pour le business, favorable à l’atteinte des objectifs stratégiques.
Malgré tout, elle peine encore à s’imposer au sein des organigrammes alors même qu’elle peut facilement démontrer qu’elle créé de la valeur - y compris économique - (réduction des pertes, atténuation de la responsabilité, augmentation de la productivité).
Il est donc essentiel de s’interroger sur la meilleure façon de favoriser l’appropriation d’une culture Sûreté au sein des entreprises. Libre alors aux Directeurs Sûreté de s’inspirer des recettes du marketing pour vendre leur offre de Sûreté, une offre porteuse de sens.
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[1] Sûreté globale = modèle de direction Sûreté intégrant la Sûreté physique et logique, la Gestion de crise, la Continuité d’activité, la lutte contre la Fraude et l’Intelligence économique, pour une réponse coordonnée et optimisée face à la malveillance.
[2] Security = Sûreté (protection du patrimoine de l'entreprise contre la malveillance liée à des actes délibérés ou à la négligence avec intention de nuire), à différencier de Safety = Sécurité (prévention et traitement du risque accidentel liés à des évènements fortuits ou des actes commis sans intention de nuire).
08/06/2020