1. Présentation générale
Le Prix Mithra est un nouveau prix annuel célébrant la création artistique dans le domaine du mobilier et de l’objet de design. Chaque année, ce prix récompensera un(e) artiste contemporain(e) pour la réalisation d’une pièce de mobilier ou d’un objet de design inspiré par le travail d’un artiste historique de renom, dont l’édition portera le nom. La première édition est placée sous l’égide du peintre Pierre Bonnard (1867-1947). Par ailleurs, le dispositif prévoit la possibilité, en fonction de la qualité et de la diversité des propositions et de la quantité des fonds levés, de décerner plusieurs projets lauréats
2. Origine et symbole du nom « Mithra »
Le nom « Mithra » s’inspire de la divinité indo-iranienne Mithra, symbole de lumière, de vérité, d’engagement et de lien entre les peuples. Au cœur de ce projet, l’idée est de souligner la capacité de l’art à relier les époques, les cultures et les disciplines. Mithra, dont le culte s’est propagé jusqu’à l’Empire romain, évoque à la fois la continuité historique, le raffinement et la dimension spirituelle de la création artistique. Le Prix Mithra se veut ainsi être un pont entre la mémoire artistique du passé et l’innovation contemporaine.
3. Objectifs du Prix Mithra
4. Présentation des fondateurs
Un jury international, composé de personnalités reconnues dans le monde de l’art, du design, de la critique, ainsi que de mécènes et de membres du Cercle K2 et de Gondishapour, supervisera la sélection des projets. Les membres du jury, présentés par ordre alphabétique, sont :
1. Sélection des candidats
La sélection des projets se fera par deux canaux complémentaires :
2. Contenu du dossier de candidature
Chaque dossier de candidature devra comporter les éléments suivants :
3. Délibération et sélection des projets
Le jury se réunira pour examiner l’ensemble des dossiers et des propositions, afin de sélectionner un ou plusieurs projets lauréats, en fonction de la qualité, de l’originalité et de la faisabilité des propositions.
Exposition collective :
Une sélection complémentaire des projets candidats sera organisée sous forme d’une exposition collective. Cette exposition présentera les propositions, accompagnée d’un livret explicatif (disponible en format imprimé et numérique) détaillant les démarches artistiques et conceptuelles des candidats.
4. Production de l’œuvre
L’artiste ou les artistes lauréat(e)(s) recevront une bourse de production leur permettant de réaliser la pièce de mobilier ou l’objet de design. La création devra dialoguer avec l’esthétique, la sensibilité et les techniques associées à Pierre Bonnard, tout en affirmant une identité propre et contemporaine.
5. Promotion et valorisation du Prix
En fonction des opportunités, nous tirerons parti de divers événements dans nos réseaux pour promouvoir et mettre en valeur le Prix Mithra. Parmi ces actions figurent :
Ces initiatives visent à renforcer la visibilité du prix et à valoriser tant l’œuvre réalisée que l’artiste sélectionné(e).
6. Événement de dévoilement
L’œuvre achevée sera présentée lors d’une soirée de gala organisée au Cercle National des Armées. L’événement sera précédé d’une conférence animée par un expert sur Pierre Bonnard, afin de contextualiser l’inspiration et la démarche de l’édition.
À l’issue de la présentation, l’œuvre sera mise en vente aux enchères. La répartition des fonds issus de la vente se fera de la manière suivante :
Juillet-Septembre 2025
Septembre-Décembre 2025
Janvier 2026
Janvier-Avril 2026
Mai 2026
Juin 2026
Placer un prix récompensant une création mobilière contemporaine sous les auspices de Pierre Bonnard ne va pas de soi. Peintre de la lumière et de la couleur, Bonnard, dans ses oeuvres, semble ne vouloir faire des objets que des accessoires, comme par exemple la chaise de La Loge (1908), la cruche et autre objets de La Glace du cabinet de toilette (1908), le vide-poche sur La Cheminée (1916), l’encrier et la plume de La Fenêtre (1925), la table de La Porte-fenêtre au chien (1927)… Des accessoires au point de lire sous la plume même du peintre : « Si c’est harmonieux, ce sera vrai – couleur, perspective, etc. Nous copions les lois de notre vision – non les objets . »[1] Or, à bien comprendre ses fragments épars, c’est la copie qui lui semble secondaire – « non les objets » – au profit de la « fabrication » : « Profiter des hasards ou plutôt des imprévus nécessite de les comprendre après. Idée de fabrication contre l’idée de copie . »[2] Autrement dit, les objets participent de l’harmonie d’une peinture, de sa « fabrication », qui partiellement échappe à la construction visuelle qui n’est, elle, que copie.
Les objet, les meubles qui peuplent les peintures de Bonnard recèlent donc une force intrinsèque qui dépasse l’intention de l’artiste. « Un objet doit participer au fond »[3], écrit Bonnard dans ses carnets, c’est-à-dire constituer, par leur forme, une part du fond, de l’harmonie du tableau – une harmonie qui est constituée d’« un autre guide que la ressemblance analytique des objets . » Qu’est-ce donc qui, au cœur de l’objet [4], palpite ?
Dans le beau catalogue de l’exposition Bonnard et la poésie d’un objet ordinaire qu’elle a dirigée, Véronique Serrano rappelle cette anecdote : « Lors d’un séjour à Winterthur, espérant renouveler les sujets de ses natures mortes, Hedy [Hahnloser] lui présente un très beau vase persan qu’elle affectionne particulièrement. Étonné, le peintre lui objecte : “Mais croyez-vous que je vais faire une plus belle peinture avec cet objet rare ? Je n’ai pas assez vécu avec lui (12).” Cette réflexion est fondamentale pour comprendre la notion de temps, de quotidienneté et de vécu qui est au cœur de son processus pictural. L’une de ses pensées lapidaires les plus reprises n’est-elle pas : “l’œuvre d’art : un arrêt du temps (13)”[5] ? » Aussi, la puissance de la peinture réside, selon Bonnard, non pas dans une suspension momentanée du temps, mais dans un arrêt du temps, comme une sanction permise seulement par des objets du quotidien. Le temps est aboli par l’œuvre d’art, donc par les objets qui s’y trouvent peints et qui participent de l’œuvre même. Comme les photographies, que Bonnard affectionne, ses peintures ambitionnent d’abolir le temps dans l’instant à l’aide des « objets ordinaires » qui y vibrent : « Charme de l’instantané : la tasse japonaise, le plat savoyard . »[6]
Pierre Bonnard aime les meubles, qui peuplent justement ses œuvres, au point que ceux-là qualifient celles-ci : des objets mobiles peints à l’immobile et qui, dans la potentialité de leur mouvement, arrêtent le temps. Parmi ces objets, Michel Serres l’avait bien compris, palpitent les corps vivants eux-mêmes : « Le peignoir de Bonnard, les nus de Bonnard, les jardins de Bonnard montrent des fleurs de peau [7]. » Le corps humain n’est plus un sujet – du temps, de l’histoire –, mais un objet, le plus fragile de tous, le plus rapidement périssable, dont la forme mute incessamment. Si bien que l’œuvre d’art – une peinture de Bonnard – en fixant l’objet, en ne permettant plus son érosion quotidienne, abolit le temps et l’histoire qui l’accompagne. Comme son Nu dans le bain (1936), par lequel « le peintre crée le reliquaire flamboyant de la chair alanguie […]. » [8] Dans ce tableau, le corps de Marthe, objet absolu, repose dans la baignoire, sarcophage royal, enfermé dans l’écrin de la toile, qui en retour, vibre de couleurs incandescentes depuis les objets mêmes : la baignoire, le corps nu de Marthe...
L’exigence de Bonnard quant à l’expressivité des meubles guidera les jurés du prix Mithra : des objets ordinaires permettant, de leur ordinaire même, la poésie absolue, celle qui, dans une forme d’universalité, arrête le temps.