Pour un héritage immatériel des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris
12/07/2022 - 6 min. de lecture
Le Cercle K2 n'entend donner ni approbation ni improbation aux opinions émises dans les publications (écrites et vidéos) qui restent propres à leur auteur.
Jean-François Vilotte est Avocat associé, ancien haut fonctionnaire, ancien Président d'autorité administrative indépendante & ancien Directeur général de fédération sportive.
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Pour un héritage immatériel des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris.
Pour la sixième fois depuis leur refondation à la Sorbonne en 1894, la France accueillera à Paris, en 2024, les Jeux Olympiques.
Depuis plus de trente ans, les États ont qualifié d’intérêt général, au travers d’instruments de droit international public, le développement de la pratique du sport et la défense de son éthique. Les contours d’une forme de service public international du sport ont ainsi été dessinés et de nombreuses conventions y font, avec plus ou moins de précision, référence.
Cette action des États est complémentaire de celle du mouvement sportif international. D’une part, les États ont adossé avec pertinence certaines politiques sociales, éducatives et de santé public sur le sport et les conditions de son encadrement et, d’autre part, le mouvement sportif a appelé de ses vœux une action volontariste et coordonnée des autorités publiques pour combattre certains fléaux qui portaient atteinte à l’intégrité de la pratique sportive.
Les intérêts des États et du mouvement sportif sont ou devraient être nécessairement convergents.
Plusieurs conventions internationales ont consacré explicitement le rôle d’intérêt général du développement sport. C’est ainsi que La Convention contre le dopage, sous l’égide du Conseil de l’Europe du 16 novembre 1989 dispose que "le sport doit jouer un rôle important dans la protection de la santé, dans l'éducation morale et physique et dans la promotion de la compréhension internationale". La Charte internationale de l'éducation physique, de l’activité physique et du sport de l’UNESCO du 18 novembre 2015 met, quant à elle, "l’éducation physique, l’activité physique et le sport au service du développement humain" .
Cet engagement des États est particulièrement affirmé dans le domaine de la lutte contre le dopage.
Force est cependant de constater que les mécanismes pour tirer effectivement les conséquences éventuelles de manquements intentionnels d’États à leurs engagements conventionnels font défaut, qu’il s’agisse de procédures de sanctions prévues par les Conventions elles-mêmes, de procédures internes aux organisations internationales sous l’égide desquelles les Conventions ont été élaborées, ou de la possibilité d’engager la responsabilité des États devant un tribunal permanent ou une instance d’arbitrage. Les États ne semblent pouvoir être atteints en ces domaines en raison de leurs comportements fautifs éventuels qu’indirectement par des mécanismes dans le champ du droit privé et relevant de la responsabilité des signataires du Code mondiale antidopage. Les récents errements russes en furent une parfaite illustration.
Cette situation est préjudiciable à la crédibilité des États, des Organisations internationales et des Conventions internationales. Si la lutte pour l’intégrité du sport, est un objectif d’intérêt général pour les autorités publiques, et si ces politiques relèvent effectivement d’obligations dans le champ du droit international public, il convient alors de franchir une étape supplémentaire.
Un instrument conventionnel permettant enfin de mettre en place un dispositif de règlement des différends nés de l’action des États - de type arbitral - est indispensable, sauf à cantonner les engagements de ces derniers en matière d’éthique sportive au rayon des seules bonnes intentions et effets de communication. Une initiative diplomatique de la France en ce sens serait opprtune.
Pierre de Coubertin avait justement rappelé que "chaque difficulté doit être l’occasion d’un nouveau progrès".
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Annexe 1 : Liste des principales conventions internationales de préservation de l’éthique du sport
- Convention européenne sur la violence et les débordements des spectateurs lors de manifestations sportives et notamment de matches de football du 19 août 1985 : ce traité est entré en vigueur le 1er novembre 1985 et a été ratifié par 21 États membres du Conseil de l’Europe et par le Maroc.
- Convention internationale contre l'apartheid dans les sports du 10 décembre 1985 : ce traité de l’ONU est entré en vigueur le 3 avril 1988 et a été ratifié par 62 États.
- Convention internationale contre le dopage dans le sport du Conseil de l’Europe du 16 novembre 1989 : ce traité est entré en vigueur le 1er mars 1990 et a été ratifié par 52 États comprenant 5 États non-membres du Conseil de l’Europe. De plus, un protocole additionnel à la convention contre le dopage a été adopté le 12 novembre 2002 et ratifié par 29 États.
- Convention internationale contre le dopage dans le sport de l’UNESCO du 19 octobre 2005 : ce traité est entré en vigueur le 1er février 2007 et a été ratifié par 191 États.
- Convention relative aux droits des personnes handicapées du 13 décembre 2006 : ce traité de l’ONU est entré en vigueur le 3 mai 2008 et a été ratifié par 184 États. L’article 30 de ce traité (Participation à la vie culturelle et récréative, aux loisirs et aux sports) concerne la participation des personnes handicapées aux activités sportives.
- Traité de Lisbonne du 13 décembre 2007 instituant le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne : ce traité est entré en vigueur le 1er décembre 2009.
- Selon l’article 6 du TFUE, "l'Union dispose d'une compétence pour mener des actions pour appuyer, coordonner ou compléter l'action des États membres. Les domaines de ces actions sont, dans leur finalité européenne : (…) e) l'éducation, la formation professionnelle, la jeunesse et le sport".
- Selon l’article 165 du TFUE (ex-article 149 du TCE), "l'Union contribue à la promotion des enjeux européens du sport, tout en tenant compte de ses spécificités, de ses structures fondées sur le volontariat ainsi que de sa fonction sociale et éducative » et l’action de l’Union vise « à développer la dimension européenne du sport, en promouvant l'équité et l'ouverture dans les compétitions sportives et la coopération entre les organismes responsables du sport, ainsi qu'en protégeant l'intégrité physique et morale des sportifs, notamment des plus jeunes d'entre eux".
- Convention du Conseil de l’Europe sur la manipulation de compétitions sportives (la Convention de Macolin) du 18 septembre 2014 : ce traité est entré en vigueur le 1er septembre 2019. La convention a été ratifiée par la Grèce, l'Italie, la Norvège, le Portugal, la République de Moldavie, la Suisse et l'Ukraine, et signée par 30 autres États européens, ainsi que par l'Australie et le Maroc.
- Convention du Conseil de l'Europe sur une approche intégrée de la sûreté, de la sécurité et des services lors des matches de football et autres manifestations sportives du 3 juillet 2016 (la Convention de Saint-Denis) : ce traité est entré en vigueur le 1er novembre 2017 et a été ratifié par 21 États membres du Conseil de l’Europe. La Convention de Saint-Denis est appelée à remplacer progressivement la Convention de 1985, puisque chaque État qui ratifie la nouvelle convention est invité à dénoncer l'ancienne.
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[1] C. Santulli, Droit du Contentieux International, LDGJ, 2ème ed., 2015, para. 267 ; CPJI, 30 août 1924, Affaire des Concessions Mavromatis en Palestine (Grèce c. Grande-Bretagne), Rec. CPJI Série A, n° 2, pp. 15 à 17.
[2] Convention de Vienne sur le droit des traités, entrée en vigueur le 27 janvier 1980, 1155 UNTS 331.
[3] Convention européenne pour le règlement pacifique des différends, conclue à Strasbourg le 29 avril 1957, Série des traités européens, n° 27.
[4] Accord entre le Royaume des Pays-Bas et la République Fédérale d’Allemagne reconnaissant comme obligatoire la juridiction de la Cour Internationale de Justice sur les différends concernant l’interprétation ou l’application de la Convention révisée de 1868 pour la navigation du Rhin (convention de Mannheim), signée à la Haye le 8 avril 1960, 509 UNTS 242.
[5] CIJ, 11 avril 1949, Réparation des dommages subis au service des Nations Unies, Avis Consultatif, CIJ Rec. 1949, P. 174.
[6] J. Crawford, Browlie’s Principles of Public International Law, Oxford University Press, 8e ed, 2019, p. 689.
[7] Article 34 de la Convention européenne des droits de l’homme, conclue à Rome le 4 novembre 1950.
[8] Article 26 du Traité sur la Charte de l’Energie, conclue à la Haye le 17 décembre 1991.
[9] Pour plus d’informations, voir A.-V. Schlaepfer & A. M. Petti, International Arbitration in Switzerland : A Handbook for Practioners, Kluwer International, 2e ed, 2013, pp. 13 et suivants.
[10] https://pca-cpa.org/fr/resources/instruments-referring-to-the-pca/.
[11] https://pca-cpa.org/fr/services/arbitration-services/uncitral-arbitration-rules/.
[12] https://pca-cpa.org/fr/model-clauses-and-submission-agreements/.
[13] Le siège de l’arbitrage n’est pas nécessairement le lieu ou se tiendront physiquement les audiences qui, en arbitrage internationale, peuvent se tenir en tout lieu à la convenance des parties peu importe le siège.
[14] Article 31 du Projet d’articles de la Commission du Droit International sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite (2001). Ce principe reflète la solution du droit coutumier.
[15] Article 31 du Projet d’articles de la Commission du Droit International sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite (2001). Ce principe reflète la solution du droit coutumier (voir notamment Affaire concernant les problèmes nés entre la Nouvelle-Zélande et la France relatifs à l'interprétation ou à l'application de deux accords conclus le 9 juillet 1986, lesquels concernaient les problèmes découlant de l'affaire du Rainbow Warrior, Sentence du 30 avril 1990, XX RIAA 215-284).
12/07/2022