Actionner l’influence

09/10/2021 - 5 min. de lecture

Actionner l’influence - Cercle K2

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Michel Tsimaratos est Professeur de pédiatrie à l'Université d'Aix-Marseille et dirige le service de pédiatrie multidisciplinaire à l'Hôpital de la Timone à Marseille, et Alexandre Lanzalavi un professionnel de la communication, spécialisé en communication d'influence et en intelligence politique. Ils sont auteurs du livre Le jour d’après, le pouvoir de la communication d’influence (Fauves Édition).

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L'extraterritorialité du droit américain, les Cloud Act, Nord Stream 2, Health Data Hub, ou les affaires Alstom, Gemplus et récemment celle de la vente des sous-marins à l’Australie ne sont pas que des mauvais coups portés à l’économie. Ce sont des actes de "guerre économique" qui servent à s’imposer par la force et la puissance dans la compétition internationale. Depuis les années 90, cette compétition, qui a débuté après la deuxième guerre mondiale, s’appuie sur le marketing et la stratégie de communication pour contrôler la production et la commercialisation. Les acteurs économiques cherchent à se différentier pour être visibles. La domination mondiale des anglo-saxons sur les plans culturel, économique et idéologique, confirme que la puissance d’un pays ou d’une entreprise est corrélée à son degré d’influence. La maîtrise du renseignement concurrentiel, la sécurité et la crédibilité sont les éléments clés du capital immatériel que constitue l’information utile, la base de connaissance qui permet de décider. En effet, l’accès à une information argumentée et basée sur la connaissance est incontournable pour prendre des décisions sereines et éclairées au meilleur moment. Devant la prolifération de l’information sans intérêt, lire entre les lignes de l’actualité des choix politiques et des stratégies économiques est devenu indispensable pour se forger une opinion raisonnable et anticiper, au lieu de toujours réagir.

 

Influenceurs et influence : deux mots si proches pour deux concepts si éloignés

Les influenceurs veulent nous faire acheter en s’appuyant sur la recherche de la satisfaction immédiate et l’accélération dans notre manière d’agir. Les crises successives et l’incertitude des lendemains sont source de confusion et de peur. L’infobésité, les déficits de culture et d’empathie qui l’accompagnent nous ont piégés dans une impasse faite d’ignorance, une nasse cognitive. La recherche permanente de notoriété et l’obsession de consommation donnent une illusion éphémère de réussite sans satisfaction. Une dimension numérique rythmée par des motivations digitales nuisibles au bien-être et au calme qui l’accompagne, ainsi qu’à la lucidité et la réflexion. La dégradation des contenus et des idées dans les réseaux sociaux réduit la communication à de la pub, de la réclame. Peu de risques, des concepts convenus, lisses et sans saveurs, peu inspirants, faciles à utiliser par les influenceurs. L’accès sans barrières à l’information de masse fait le lit des croyances et des théories du complot. L’influence, c’est la convergence de la diplomatie du 19ème siècle et de l’espionnage du 20ème à l’heure d’internet et des réseaux sociaux. L'information utile, vérifiée et crédible sert d’argument. La communication d’influence donne du sens et de l’épaisseur à ces arguments. Une autre perspective de communication. Loin des influenceurs, la communication d’influence vise à ciseler l'information pour faciliter une vision sur un sujet ou un domaine précis et créer les conditions favorables à la compréhension en agissant sur la perception, l'opinion et le consentement. Elle valorise le capital immatériel et informationnel, la raison d’être et la vocation, plus que le produit. Elle s’oppose à la production ininterrompue d’informations sans intérêt relayée par des influenceurs, dont la seule pertinence repose sur le nombre d’abonnés et qui vient diluer l’info utile.

 

Anticiper pour retrouver du sens, ou l’inverse ?

Nos aptitudes, fondamentales à notre humanité, sont de plus en plus difficiles à mobiliser. Comme le souligne avec malice Edgard Morin, "à force de sacrifier l'essentiel pour l'urgent, on finit par oublier l'urgence de l'essentiel".

L’urgence de l’essentiel, n’est-ce pas anticiper les mutations politiques, économiques et sociales pour se préparer ? Désindustrialisation et délocalisations en chaîne, risques écologiques et catastrophes environnementales, le lien entre comprendre et entreprendre s’appuie sur la connaissance. Il ne s’agit pas d’innover. Les méthodes fondées sur l’économie de la connaissance pour redonner du sens sont bien connues. Il s’agit de décrypter l’actualité et connaitre l’histoire dans une démarche holistique, pour retrouver du sens, mieux se préparer et anticiper !

 

Un état d’esprit positif

La communication d'influence produit du contenu à haute valeur ajoutée qui est source d'idées, de réflexions et d'ouverture d'esprit basées sur un discours scientifique et méthodique. Les débats d’idées, la culture, les sciences humaines, la créativité et les échanges transforment la peur en envie et rendent l’avenir attrayant et inspirant. Une approche qui permet de réaliser des campagnes informationnelles peu onéreuses et très efficaces. Une action culturelle qui transforme notre environnement en faisant prendre conscience de ses propres intérêts. Une démarche qui unifie les idées, les attitudes, les comportements au service d’un projet commun. La communication d'influence sert la confrontation d’idées et l'économie de la connaissance. Deux ressorts pour nourrir les opinions et affiner les perceptions dans une perspective inspirante, politique, économique, sociétale et stratégique.

Quand la résignation et le découragement ont remplacé l’espérance et la conviction, la communication d’influence peut restaurer la vision ou le rêve qui donnera l’impulsion. C’est par l’influence que l’on obtient une remobilisation vers un objectif désirable et attractif qui pousse à agir. Rappelons-nous du Président John Fitzgerald Kennedy qui, en pleine Guerre Froide, a remotivé le peuple américain en lançant le programme de conquête de la Lune. Elon Musk, qui a pour objectif de faire atterrir des hommes sur Mars d'ici 2026, ne fait pas autre chose.

Un support du soft power dont l’objet est de construire, à travers une empreinte idéologique et culturelle, une vision du monde propre à soutenir des intérêts économiques, géopolitiques et sociaux. Procédé de communication haut de gamme et à forte valeur ajoutée, le soft power utilise simultanément les productions universitaires, les travaux issus des clubs de réflexion, l’art et la culture (cinéma, séries, littérature, peinture, etc.) pour soumettre des idées et des représentations spécifiques. Au cœur de cette approche, les messages et les informations, à la fois subtils et précis, fabriquent le consentement ou permettent de mieux appréhender les mouvements à l’œuvre dans le monde. 

Faire de la communication d’influence à l’ère des réseaux sociaux c'est aussi retrouver sa place dans le jeu. Reprendre la main avec une approche visionnaire et humaniste qui ne craint pas de sortir des sentiers battus. Comprendre et accepter les raisons de nos échecs pour ne pas trébucher de nouveau sur le même obstacle. Progrès et influence sont les deux faces d’une même pièce. Les deux approches défendent l'idée que le salut se trouve dans le futur, ce qui implique de se projeter et de faire preuve d'anticipation.

La communication d'influence est l’art de produire un sentiment favorable, sans contrainte, sans chercher à convaincre coûte que coûte, avec délicatesse et sans manipulation, pour transformer et s'engager dans le progrès, en multipliant les solutions et les idées. 

Michel Tsimaratos et Alexandre Lanzalavi

09/10/2021

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