Plaidoyer pour le renforcement de la culture éthique dans nos organisations
23/05/2019 - 2 min. de lecture
Le Cercle K2 n'entend donner ni approbation ni improbation aux opinions émises dans les publications (écrites et vidéos) qui restent propres à leur auteur.
Le monde change; l’État Français transfère de plus en plus ses responsabilités aux entreprises. C’est le cas avec les obligations de prévention et de détection du blanchiment, de la corruption et les obligations de conformité liées au RGPD.
Les raisons sont multiples et j’en vois 4 majeures:
- le manque criant de moyens,
- la pression internationale,
- la prédation de nos entreprises par des puissances étrangères,
- l’espérance de recettes en luttant, in fine, contre l’évasion fiscale.
Largement inspirées de nos camarades anglo-saxons, ces exigences de conformité dépassent la simple obligation de respecter la loi. Elles imposent des processus permettant d’assurer le respect des standards, des normes et des réglementations applicables à un secteur, une activité, une entité.
Ces nouvelles contraintes sont, dans la majorité des cas, subies et vécues comme des freins à la compétitivité par les entreprises.
Les "compliances officers" que nous sommes doivent donc démontrer que, loin de pénaliser les entreprises, la conformité est un outil de transformation au profit du développement. Mais, comme l’on n’a jamais raison contre les autres, il faut obtenir l’adhésion de tous.
C’est là qu’intervient la culture éthique car la conformité est indissociable de l’éthique. Elle procède de l’éthique, une éthique forte, expression des valeurs et source de questionnement.
Il nous faut conquérir les esprits avec ce supplément d’âme (ou d’humanisme) que l’on appelle l’éthique. L’entreprise n’est pas une simple unité de production sur un marché donné; c’est aussi un corps social qui s’exprime souvent, et notamment en France, par le refus, la résistance.
Nous devons donc baliser le chemin de la conformité avec une éthique de conviction, une éthique des vertus, chères à Aristote et à Comte-Sponville, qui s’appuient sur les valeurs parmi lesquelles :
- l’exemplarité,
- la responsabilité,
- le courage,
- l’humilité,
- la bienveillance.
Ces valeurs, les "compliance officers" doivent les incarner et les partager.
Vous l’aurez compris, je crois à une éthique des affaires humaniste qui ferait la synthèse des pensées d’Erasme et de Luther. À ce titre, je vous engage à lire le très beau texte de Maxime de Beauchesne, "l’Ethique est un sport de combat".
Maxime de Beauchesne a parfaitement raison : l’éthique est un sport de combat mais un combat asymétrique. Les "compliance officers" sont très souvent seuls face à l’immense responsabilité de cette conformité et face aux résistances du corps social. Nous sommes contraints de déployer des stratégies d’alliance.
Malheureusement, les affaires récentes démontrent que les mauvaises manières viennent souvent du "Top" qui ne donne pas le "tone"; c’est d’ailleurs ce que l’AFA a constaté au cours de ces premiers contrôles.
Et c’est en cela que la culture éthique est essentielle. Elle doit irriguer tous les niveaux de l’organisation avec des formations, des mises en situation, le partage de veille.
Si le risque éthique a des impacts majeurs sur le plan pénal, commercial, de gouvernance, de réputation, le plus grand impact est, selon moi, l’impact social, cet impact qui détruit ou délocalise les emplois.
N’oublions jamais, 30 000 emplois en moins chez VW après l’affaire du "Dieselgate". Et combien de salariés abandonnés chez Alcatel et Alstom.
Ce fameux "tone" peut venir "d’en bas" par la prise de conscience et l’exemplarité des salariés que nous sommes face à l’immense injustice qu’on leur fait en mettant leurs activités et leurs emplois en risque.
Cette conviction rejoint l’analyse de mon ami Pascal Cescon, déontologue de la Banque de France qui a récemment rappelé: "Quand le niveau d’exigence éthique de la majorité des salariés progresse, les comportements non éthiques deviennent beaucoup plus visibles et moins tolérés par les pairs".
Comptons sur cette nouvelle génération qui se forme dans les meilleurs masters et intègre les grandes entreprises en portant haut les valeurs de l’éthique. Elle fera, j’en suis certaine, bouger les lignes et saura trouver les alliés qui nous font parfois cruellement défaut.
Francine Ruellan, Membre du Comité éthique du Cercle K2
23/05/2019